Jeanne Louis et Versailles

Actualité du 23/05/2023

Née de père inconnu, Jeanne Bécu est recueillie par Monsieur Dumousseaux (Robin Renucci à peine reconnaissable). Le jovial érudit devient le mentor de l’enfant animée d’une insatiable curiosité. Après un bref séjour au couvent, la jeune femme devient une mondaine très appréciée dans les salons parisiens. Par l’entremise du Duc de Richelieu (Pierre Richard perruqué façon Harpo Marx), Jeanne est admise à la cour du Roi Louis XV (Johnny Depp), à condition d’acquérir au préalable, une particule par alliance avec le Comte du Barry (Melvil Poupaud), son amant officiel qui tire de larges profits de ses attraits. Une fois dans la place, Madame du Barry devient la favorite du souverain durant six années, jusqu’à sa mort en 1774.

Plus que Louis XV ou Jeanne du Barry, Versailles s’impose comme la figure centrale du nouveau film de Maïwenn. A ce titre, la comédienne-réalisatrice réitère son goût pour les portraits de groupe qui jalonnent sa filmographie : statut de comédienne (Le Bal des actrices 2009), brigade de protection des mineurs (Polisse 2011), famille dispersée entre deux rives de la Méditerranée (ADN 2020).

A mi-chemin entre l’observation minutieuse façon Barry Lindon (Stanley Kubrick-1975) et la branchitude du Marie-Antoinette, livré en 2006 par Sofia Coppola, Jeanne Du Barry, fraye dans une fantaisie documentée. De l’examen gynécologique de la future conquête à l’agonie du souverain, en passant par son réveil, ses repas et ses apparitions officielles et privées, les rituels se succèdent dans de fastueuses reconstitutions.

 

Pourtant, la moue entendue de Jeanne, une œillade de Louis, un soupir résigné de Louise (Capucine Valmary), la princesse préférée, un murmure bienveillant de Laborde, le majordome royal (Benjamin Lavernhe en route pour un César), se glissent en contrepoint à cette rutilante foire aux vanités.

De la belle image sans céder à l’esthétisme, des formules brèves et concises en lieu et place de tirades littéraires, si le Louis XV de Johnny Depp cultive une neurasthénie laconique (liée sans doute à un français hésitant), Pascal Greggory, Patrick d’Assumçao, Noémie Lvovsky se cantonnent à des rôles quasiment muets. Enthousiaste comme à son habitude, India Hair endosse l’arrogance boulimique et bariolée de Madame Adélaïde (de France).

Joie de jouer, plaisir de filmer aiguillonnent Jeanne du Barry, dont le panache satirique dépeint un cénacle hors sol, dont la seule fonction se résume à être et paraître, à pleurer un roi défunt avant de se précipiter, l’instant suivant, au pied du nouveau régnant.

Autour de chaque puissant vibrionnent des courtisans. Il va sans dire que l’aréopage flagorneur portraituré par Jeanne du Barry n’a, quatre siècle plus tard, rien perdu de sa pertinence et sa contemporanéité.

Photographies: Stéphanie Branchu Why Not Production

 

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