Elevated Horror/Horreur élevée, l’idiome désigne des films qui travaillent diverses strates du Fantastique, dans une perspective en rupture avec les stéréotypes du genre et les habitudes du cinéma d’exploitation.
De Enemy (Denis Villeneuve 2014) à Love lies bleeding (Rose Glass 2023), en passant par Hérédité (Ary Aster 2018) ou The Eternal Daughter (Joanna Hogg 2022), A24 demeure le contributeur majoritaire à cette subdivision qualitative. La société de production, fondée à New York en 2012, accompagne la trilogie pensée par Tie West et interprétée par Mia Goth.
Dans X (2022), l’actrice incarne Maxine Minx, fille d’un pasteur méthodiste, engagée sur le tournage d’un film pornographique, délocalisé dans une grange au cœur du Texas des années 70. On la retrouve dans Pearl (sorti via les plateformes en 2023), préquelle axée sur la généalogie des fermiers peu avenants, à l’origine des péripéties précédentes. Diffusé cet été en salle, Maxxxime s’inscrit dans le sillage du premier volet.
Réchappée du carnage, Maxine tente sa chance à Hollywood.
Filmeur cinéphile, Tie West puise son inspiration dans sa cinémathèque. La figure centrale s'inspire du parcours de Marylin Chambers (1952-2009). Suite au succès de Derrière la porte verte, film pornographique de Artie et Jim Mitchell (1972), la comédienne persévère dans le genre puis, en 1977, oblique vers un film à priori normal : Rage, second opus horrifique d'un jeune réalisateur canadien : David Cronenberg.
Dans le même mouvement, Maxine passe du hard-core à la séquelle sanguinolente et décroche le premier rôle dans The Puritan II.
Si X ravive les dissonances entre villes et campagnes, révélées dans Délivrance (John Boorman 1972) et l’insurpassable Massacre à la tronçonneuse (Tobe Hooper 1974), situé dans le Hollywood du début des eighties, Maxxxine se partage entre les plateaux des grands studios et les artères balisées de sex-shops et de cinés pornos.
Le contexte renvoie à Vice Squad (Vincent Sherman 1982) et à l’inévitable Taxi Driver de Martin Scorsese (1976), La référence cardinale reste, toutefois, Hardcore. Dans ce film réalisé en 1979 par Paul Schrader, par ailleurs scénariste de Taxi Driver, un père de famille, calviniste pratiquant, retrouve sa fille fugueuse dans les basses fosses de l’industrie du sexe à Los Angeles.
Mais West prend le contre-pied des circonvolutions puritaines de Schrader et autres foires au désillusions, façon Le Jour du Fléau (John Schlesinger 1975) ou Inland Empire (David Lynch 2005), dans lesquelles les rêves de jeunes actrices se fracassent sur les injonctions et turpitudes du système hollywoodien.
Car, malgré sa frêle jeunesse, Maxine revient de loin. Face à une réalisatrice adepte de l’humiliation, un Buster Keaton (sic) qui la coince dans une impasse ou un illuminé, en croisade contre un monde dépravé ; la dame a les épaules.
A la tête d’un budget confortable, Tie West reconstitue les bas fonds d’une grande ville, s'aventure derrière les façades sans profondeur des immeubles érigés sur d'immenses aires de tournage. L’équipée passe par le Bates Motel où, dans le Psychose d’Alfred Hitchcock (1960), Marion Crane connut un funeste destin. Mais plus de soixante ans après, s'écrivent d'autres histoires.
A ce titre, la Baby Doll sans gène et son interprète en acier trempé, rejoignent les récents Love lies bleeding, La Malédiction : l’origine (Arkasha Stevenson 2023) et le sidérant Immaculée (Michael Mohan 2023), dans une stigmatisation féministe de la régression conservatrice qui sclérose l’Amérique et s'étend à travers les continents.
Propulsé par son amazone revêche et conquérante, Maxxxine relève d'une horreur maline et plutôt bien élevée.
Quant à Miss Goth : Mama Mia !
Photographies : Universal.