Réalisé en 2002 par l’acteur écossais Peter Mullan, The Magdelene Sisters, participa au retentissement du scandale des Couvents de la Madeleine. Les parcours croisés de trois adolescentes : l’une victime d’un viol, l’autre fille-mère, la troisième orpheline effrontée, détaillent les exactions commises, entre 1758 et 1996 (un bail), dans ces institutions religieuses assimilées à des asiles ou des maisons de redressements.
23 ans plus tard, Tu ne mentiras point revient sur l’affaire qu’il appréhende dans une perspective différente. Coproduit et interprété par l’acteur irlandais Cillian Murphy, (oscarisé en 2024 pour Oppenheimer de Christopher Nolan), le film adapte Ce genre de petites choses, roman écrit par sa compatriote Claire Keegan et publié en France, en 2020, chez Sabine Weispieser.
1985, vers les fêtes de Noël, à New Ross, comté de Wexford, Irlande ; Bill Furlong (C.M) dirige un négoce de bois et charbon. Lors d’une livraison dans la pension voisine, il assiste à l’admission tumultueuse d’une primo-arrivante. Quelques jours plus tard, en ce même lieu, une tétanisante découverte l’attend dans la soute à combustibles. Ces épisodes réveillent des souvenirs qui chavirent le charbonnier.
Si The Magdelene Sisters retrace les sévices dans le huis clos de la congrégation, Tu ne mentiras point examine son emprise sur sa périphérie. Le décryptage des dommages collatéraux bénéficie, en premier lieu, du jeu en creux de sa star, présente dans quasiment tous les plans.
Silhouette voûtée, regard absent, silences abouliques.., à l’écart de l'emphase, Cillian Murphy endosse le désarroi de Furlong. Son livreur s’avère la fois dévasté par ses tourments intérieurs et convaincu du peu de chances d’y sensibiliser son entourage ; à commencer par Eileen (Eileen Walsh), la mère des leurs six filles, qui lui conseille de ne pas s’attarder sur ce genre de petites choses.
Épaulé par le dramaturge irlandais Enda Walsh, le flamand Tim Mielants concocte une adaptation dans le sillage du Prix George Orwell (auteur de l’incontournable 1984), attribué en 2022 au roman de Claire Keegan. L’humidité glaciale de la fin d’année enrobe l’humeur du récit. Le calvaire spirituel de l’homme intranquille se ponctue de références aux évangiles et aux polars.
Ainsi, l’ombre du préfet Ponce Pilate plane lorsque, à la fin de chaque journée, Furlong se décrasse longuement les mains. Les sagas mafieuses imprègnent l’entrevue finale avec Sœur Mary (impériale Emily Watson), mère supérieure qui tient sa maison comme elle marraine les intérêt bien compris et la chape de silence qui pèsent sur les environs.
Plus proche du sabbat sectaire que de la communion festive, l’illumination du sapin de Noël, imprime l’esprit de ce thriller lapidaire, sublimé par la mesure des interprètes et l’intelligence impressionniste de la mise en scène.
Il va sans dire que tout amalgame entre cette dissection drastique d’une omertà et l’exhumation actuelle des abus commis dans certains de nos lycées catholiques, relève de la pure coïncidence, de l’affabulation primaire et d’un profond mauvais esprit.
Photographies : Condor Films.