L’Illusion comique

Actualité du 17/02/2023

Pour son huitième film, Noémie Lvovsky revisite La Grande magie, pièce écrite en 1948 par Eduardo de Filippo. Pour l’occasion elle transporte son adaptation dans la France de l’entre deux guerres.

L’été, un hôtel en bord de mer, emmenée par Albert et Zaïra (Sergi Lopez, Noémie Lvovsky) une troupe de saltimbanques propose un divertissement à la clientèle. Au cours du spectacle, à l’invitation d’Albert, Marta (Judith Chemla) se porte volontaire pour un numéro d’escamotage. Elle disparaît.., pour de vrai, au grand dam de Charles, époux et jaloux compulsif (Denis Podalydès). Sur ces entrefaites, une idylle se noue entre le garçon d’hôtel estropié (Paolo Mattei) et Amélie, fragile circassienne (Rebecca Marder).

Autour de ces trois couples papillonnent une dizaine de personnages qui pimentent ou commentent les péripéties.

Découpé en actes, interprété jusque dans les moindres rôles par de grands acteurs de théâtre : Catherine Hiegel, Christine Murillo, Dominique Valadié, Micha Lescot, Laurent Stoker, Laurent Poitrenaux.., La Grande Magie s’apparente à un film de tréteaux, tourné dans un parc, un sous bois, sur une plage avec les talents disponibles et les moyens du bord.

 

En 2007, en hommage à son paternel, fervent admirateur de Fred Astaire, Noémie Lvovsky, signa Faut que ça danse !. Dans son nouvel opus, elle corse le récit d’intermèdes chantés-dansés. Mais ici encore, priorité à l’authentique, pas d’arabesque visuelle ni de playback réorchestré, chacun chante avec sa voix (Seule Judith Chemla possède une expérience lyrique) et bouge avec son corps.

On comprend que l’auteur de Camille redouble (2012), petit bijoux de fiction fataliste, ait été subjuguée par la pièce de De Filippo, qu’elle découvrit en 2008 à la Comédie Française. Pétri de cet esprit italien qui choisit de rire pour ne pas pleurer, le comédien-dramaturge signe une fantaisie truculente, doublée d’une ode à l’imaginaire, qui préserve du réel jusqu’à, parfois, occulter la réalité. Dans sa Grande Magie, ballottée par les caprices du destin, soumise à la dérive des sentiments, la vie bouscule des femmes et des hommes, perméables à des émotions définitivement périssables.

La Grande Magie délaisse les autoroutes d’une perfection formatée, pour des chemins de traverse, vers des retours aux sources : l’agora du théâtre, l’illusion du cinéma (cf le bref hommage à Georges Méliès). Acquise à un artisanat attentif, sa réalisatrice extirpe la pudeur de l’excentricité, sonde la mélancolie dissimulée derrière l’extravagance.

En fin de conte, Noémie et Eduardo calfeutrent le bonheur à l’intérieur d’une boîte. Mieux vaut-il, sans doute, la laisser fermer.

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