La cage au fauves

Actualité du 24/10/2021

Dans les films de Xavier Giannoli, soit les personnages façonnent une réalité conforme à leur rêves : François Cluzet bâtisseur d’autoroute (A l’origine 2009), Catherine Frot diva lyrique (Marguerite 2015). Soit ils abordent un monde qui les dépasse : Kad Mérad promu star des réseaux (Superstar 2012), Vincent Lindon confronté aux pratiques sectaires dans L’apparition (2009), voire Cécile de France face aux orchestres de bal (Quand j’étais chanteur 2006).

Auto-proclamé grand homme de province à l’assaut de Paris, Lucien de Rubempré combine ces deux récurrences. Soucieux de devenir un écrivain reconnu, le jeune homme se jette dans une comédie humaine qui le fascine mais dont il ignore les codes et chausse trappes.

A l’instar d’Eugénie Grandet, sorti en septembre, qui met en reflet la rapacité pathologique du hobereau avec l’argent tout puissant de notre temps, Illusions perdues, stigmatise la naissance de la société du spectacle, de la presse de masse et commerciale. Ces mouvements concomitants à l’avènement de la restauration aristocratique suite au Premier empire, agissent à l’écran comme une caisse de résonance de la révolution conservatrice qui infuse actuellement dans les empires médiatiques.

Xavier Giannoli en réfère à Barry Lindon (1975) lors de la restitution fastueuse des soirs de premières ou des dîners en ville au cours desquels, le moindre geste ou regard relève du rejet ou de l’adoubement. Le réalisateur cite encore Martin Scorsese lorsqu’il fixe le cynisme assumés des journalistes dans des réunions de rédaction dignes des assemblées mafieuses des Affranchis (1990). Dans ces deux références la voix off est utilisée. Il en est de même dans Illusions perdues, tout au long duquel Xavier Dolan (Nathan l’intègre) prête sa voix à Balzac. Secs, précis ces commentaires détournent la majesté des rituels vers l’obscénité ostentatoire.

Avec son héros velléitaire, sa martyre : la trop tendre Coralie (Salomé Dewaels), et sa ribambelle de parasites et de prédateurs, Illusions perdues est une fresque qui resplendit d’une impitoyable noirceur. L’on remarquera pour terminer qu’à la suite de Marguerite, Xavier Giannoli s’affirme ici comme un conteur-esthète de tout premier ordre.

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