Du voilier seconde main rebaptisé Liberté Oléron (2001) au kayak fuselé Comme un avion (2015), Bruno Podalydès apprécie les objets flottants. L’attachement se confirme avec La Pénichette, sur laquelle s’effectue La Petite Vadrouille.
Un week-end à quatorze boules !, ne cesse de répéter Albin (Denis Podalydès) à Justine, son épouse (Sandrine Kiberlain). Celle-ci s’est vue confiée par son employeur (Daniel Auteuil), une épaisse enveloppe de billets afin qu’elle lui organise une escapade sentimentale hors des sentiers battus.
Le couple rameute ses amis, aréopage solidaire et précaire, dans l’élaboration d’une équipée à petit prix, qui leur permettra d’empocher une large partie du budget initial.
Le boss est donc convié à une croisière fluviale-surprise sur un chaland gouverné par Jocelyn (Bruno Podalydès), dont la science de la navigation se limite au chapardage de pédalo.
La Petite Vadrouille se décline en deux actes. Du gardien de musée monté sur ressorts, au couple limonadier qui, en salle, communique en parlé-chanté façon Parapluies de Cherbourg (1964), le premier mouvement introduit les protagonistes dans d’irrésistibles rafales de loufoqueries. Puis, lorsque la Pénichette prend le courant, s’ouvre un second segment qui règle son pas sur le débit placide du canal. Unité de lieu oblige, le ton devient alors plus théâtral. La dinguerie burlesque oblique vers un vaudeville, relevé de quelques pincées de Marivaux.
Il existe quelques analogies entre Robert Guédiguian et Bruno Podalydès. Depuis leurs tous premiers opus, les deux cinéastes s’appuient sur un noyau d’acteurs : Ariane Ascaride, Gérard Meylan, Jean Pierre Daroussin .., pour le marseillais ; Denis Podalydès, Isabelle Candelier, Jean-Noël Brouté, Patrick Ligardes.., pour le versaillais. L’avancée en âge des troupes et leur chef, patine l’inspiration. Au fil du temps, les militants de Guédiguian conjurent de sursauts fatalistes leur consomption neurasthénique. Quant'aux quidams velléitaires chers à Podalydès, ils conservent cette indécision endémique qui les cantonne aux chemins de traverse. Désormais, les doux rêveurs figurent d’attachants loosers, trop lunaires, trop tendres pour fréquenter les autoroutes de la conformité.
Portée par Eddy Mitchell dans dans Wahou (2023), la même mélodie mélancolique, assurée ici par Alain Barrière, se fredonne tout au long de cette Petite Vadrouille, une filouterie marinière dans laquelle, à l’image du dindon incarné par Daniel Auteuil, on se laisse embarquer (plumer?) dans une délicieuse délectation.
Longue vie aux branquignols !
Photographies : Anne-Françoise Billot.