La loi du silence

Actualité du 01/02/2022

Réalisé en 1997 par Claire Simon, Récréations documentait des cours d’école régies par des rituels, calqués sur les empathies ou clivages, en lice chez les adultes. A l’ouverture d’Un monde, Nora (Maya Vanderbecque) n’en mène pas large lorsque son père (Karim Leklou) l’abandonne avec Abel, son frère aîné (Günter Duret), à la porte d'un nouvel établissement scolaire.

Peu à peu l’enfant se fond dans le groupe, tisse même quelques complicités. Mais l’assimilation vacille lorsque Nora découvre qu’Abel est victime de harcèlements. La fillette est alors submergée de dilemmes qui la placent en porte à faux vis à vis de son frère, son père, son enseignante et ses camarades.

Pour Un monde, Lara Wandel reprend le procédé inauguré par les frères Dardenne dans Rosetta (1999). 75 minutes durant la caméra reste rivée à Nora. Ainsi rien ne nous échappe de ses indignations, ses doutes et incompréhensions, en particulier lorsqu’elle découvre qu’Abel est, à son tour, un harceleur. Une pression grandissante pèse sur ses petites épaules, au risque d’un épuisement, d’une noyade définitive, symbolisée ici par la récurrence des séquences de piscine.

Un monde impressionne par la simplicité et l’efficacité dramatique de son dispositif. Si le silence règne, les images ne cachent rien du fonctionnement, du statut social de la fratrie, de l’inquiétude des grands, du désarroi mutique des petits.

Pour son premier film Lara Wandel s’impose comme une metteure en scène rompue à la force de l'image, doublée d une exceptionnelle directrice d’acteurs. Bien sur, l’ombre des Dardenne reste omniprésente, jusqu’à l’embryon de rédemption qui boucle l’histoire. Mais entre temps, Nora et son frère auront suivi une sacrée leçon de vie.

Même s’il s’avère plus proche de la chronique sociale que du cinéma de genre, Un monde s’impose néanmoins comme LE film d’angoisse de ce début d’année.

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