Molière est-il mort sur scène ? A ce sujet, les avis divergent.
Quoi qu’il en soit, Olivier Py retrace les 90 dernières minutes du dramaturge, le 16 février 1673, au théâtre du Palais Royal où se joue Le Malade imaginaire.
L'argument reprend le prétexte entendu, selon lequel la vie défile au seuil de la mort. Catarrheux sanguinolent, Jean-Baptiste refuse d’annuler la représentation. Chaviré par la fièvre, l’acteur dérive entre les injonctions de l’instant et les nostalgies qui brouillent sa mémoire.
Sur le modèle de L’Arche russe (2002), dans lequel Alexandre Sokourov organise une visite du musée de l’Ermitage de Saint-Pétersbourg, en un plan séquence de 96 minutes, Le Molière imaginaire déroule une déambulation en temps réel, sous les feux, dans les coulisses ou au sein des entrailles d’un théâtre, doublée d’une incursion à travers les tourments d’un poète, impérieux chef de troupe et être ô combien imparfait.
C’est dans mes comédies que je suis le plus profond. Cette phrase qu’il se plaît à répéter, Olivier Py la glisse dans la bouche de son Molière copieusement fantasmé. Éclairage à la bougie, scénographie fonctionnelle et néanmoins éblouissante du fidèle Pierre-André Weitz, la rêverie malaxe les obsessions d’un auteur, en quête de transcendance joyeuse mais fasciné par les effrois de la catabase.
Aux circonvolutions fantasmatiques, se greffent des considérations plus savantes. Le scénario réhabilite ainsi Michel Baron (1653-1729). Coscénariste du film, Bertrand de Roffignac incarne le comédien fétiche et compagnon supposé de Molière jusqu’à son dernier soupir.
Évoquée dans la toute fin, La Comédie-Française glisse l’un de ces sociétaires (Laurent Lafitte) dans la peau du Patron. A ses côtés Stacy Martin (Armande Béjart), ne dépare en rien dans une distribution très théâtre-théâtre, qui associe jeunes pousses : Eva Rami, Emilien Diard-Detoeuf et monstres sacrés : Jeanne Balibar, Philippe Girard, Judith Magre.. . Cette dernière, aux côtés de Dominique Frot et Catherine Lachens, forme un trio de Parques persifleuses, entre chœur antique et Muppet Show.
L’amour est impur, le théâtre c’est la vie! l’affirmation résume ce Molière imaginaire, à la fois chant d’amour à l’art dramatique, dissection d'une troupe et élégie à Avignon, ville ou résida Molière et vécut Olivier Py, durant ses deux mandats (2013-2022) à la tête du prestigieux Festival.
A la fois espiègle et documentée, triviale et sublime, la pérégrination se clôt sur un codicille tétanisant qui relate l’inhumation misérable du génie et prévient des barbaries qui glapissent à nos portes. Plaise au dieux du théâtre que cette divagation inspirée demeure plus imaginaire que visionnaire.
Interview d'Olivier Py et Bertrand de Roffignac, enregistrée lors de l'avant-première du Molière Imaginaire, le 7 février à Avignon où le film fut tourné en décembre 2022.
Le Molière Imaginaire : dans les cinéma à partir du 14 février.
Photographies : Memento distribution.