La petite dame, l’ogre et les joailliers.

Actualité du 23/08/2021

Les temps sont à l’exhumation. Dans le sillage de The Wicker Man retrouvé, reconstitué et diffusé, voici L’échiquier du vent, dont une copie fut récupérée chez un antiquaire puis restaurée à l’initiative de Martin Scorsese et la cinémathèque de Bologne. 45 ans après son retrait du Festival de Téhéran et la confiscation de ses bobines par les autorités du Shah, le film de Mohammed Reza Aslani est enfin sur les écrans.

Situé au cœur des années 20, dans l’hôtel particulier d’une famille de joailliers, L’échiquier du vent monte et descend des escaliers. A l’intérieur, sur le plus haut palier, Petite Dame surplombe son monde, à commencer par Haji Hamou, son beau père à l’affût de ses biens et sa fortune. A l’extérieur au bas des marches, les domestiques tel un chœur antique, commentent manigances et turpitudes tout en lavant le linge sale de la maisonnée.

Clouée sur son fauteuil roulant Petite Dame (Fakhri Khorvash) renvoie à Tristana (Catherine Deneuve), estropiée en 1970 par Luis Bunuel dans un film, situé à la même époque dans l’Espagne franquiste. Flanquée de sa servante, l'héritière esquive ou heurte les meubles, les parents, les intrigants qui encombrent cette demeure aux fenêtres occultées. Des salons à la cave, l’univers reste opaque, tortueux à l’image de ses occupants.

A la suite de Dom Luis, de son compatriote Carlos Saura (Le jardin des délices 1970, Anna et les loups 1972) et d’autres artistes empêchés, Mohammed Reza Aslani utilise le huis clos familial comme symptôme d’un étouffement sociétal. Conçue et dirigée par un cinéaste par ailleurs poète et plasticien, la métaphore avance dans une suite de rituels opératiques dont la géométrie annonce les constructions sulfureuses, iconoclastes et rigoureuses de Peter Greenaway (Meurtres dans un jardin anglais 1982, ZOO 1985 etc...).

Lorsqu’elle réussit enfin à s’évader, la caméra effectue un long et vaste panoramique qui confirme l’intention du réalisateur, tout en scellant à l’époque, l’éclipse de sa carrière et l’arrêt de mort de sa réalisation.

L’échiquier du vent (1976), La loi de Téhéran (2020)…, décidément et par la force des choses le cinéma iranien est un vivier d’impertinents.

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