Diffusé dans les cinémas au printemps dernier, Sick of myself-malade de moi-même, se focalise sur une jeune femme qui s’invente une maladie, susceptible de l’extirper de l’anonymat. Signé par le même Kristoffer Borgli, Dream Scenario s’attache à un quidam frappé de célébrité.
Enseignant amorti dans une université de sous préfecture, Paul Matthews (Nicolas Cage) coule une vie sans histoires, aux côtés de Janet son épouse (Julianne Nicholson, une découverte!) et leurs deux filles. Sa tranquillité vole en éclat lorsqu’il prend conscience qu’il squatte, à son insu, les rêves d’un nombre exponentiel de ses contemporains.
Comme les songes sont agréables et le bonhomme d’une sympathique aboulie, Matthews devient une éminence médiatique, hautement bankable. Toute médaille ayant son revers, les affaires se compliquent lorsque ses apparitions bifurquent vers d'autre mirages.
Pour son premier projet outre-Atlantique, le réalisateur norvégien s’appuie sur un scénario conceptuel façon Charlie Kaufmann. Dream scenario prend à contre-pied Dans la peau de John Malkovich (Spike Jonze 1999), dans lequel une start-up permet à n’importe qui de s’introduire dans la psyché d’une star (interprétée par Malkovich himself). Si Kaufman fustige l’obscénité médiatique, Borgli agonise la dictature de l’opinion, prolongée par une cancel culture qui dilue les pensées complexes dans une théogonie aveugle de l'irréprochable.
Fantasme malgré lui, Matthews passe du statut d’icône à celui de paria, sans se départir d'une passivité chronique, conforme à sa nature pusillanime et velléitaire. Le personnage n’est pas sans évoquer le conservateur d’art déphasé, figure centrale de The Square (Ruben Östlund-2017). Outre son goût pour une joyeuse malaisance, confer l’aventure de Matthews avec une assistante énamourée, Kristoffer Borgli partage avec son confrère suédois, le désir d’égratigner les cuistreries et autres bienséances, par la pratique d’un humour qu’il qualifie à juste titre de cru et brut.
Certes la divagation peine à tenir la distance et s’abîme dans une pirouette paresseuse en guise d’ épilogue. Mais Dream scenario n’en demeure pas moins une réjouissante comédie-cauchemar, portée par un Nicolas Cage, au diapason de son héros sans qualité.
Au fil d’une carrière aussi prolifique qu’erratique, l’acteur n’a cessé de s’associer à des projets hors normes, qui l’ont conduit de Robert Bierman (Embrasse-moi vampire 1989) à David Lynch (Sailor et Lula 1990), de Spike Jonze (Adaptation 2002) à Andrew Niccol (Lord of war 2005). Si, dans la même veine, les récents Pig (2021) et Un talent en or massif (2022) peinaient à convaincre, Dream Scenario emporte l’adhésion par son extravagance sarcastique et le charisme harassé de son protagoniste, en osmose parfaite avec son interprète.
Photographies : Metropolitan films