La vie le théâtre la fusion la passion

Actualité du 12/10/2021

Lors du Festival d’Avignon 2008, Thomas Ostermeier installait son Hamlet dans la cour d’honneur du Palais des papes. Figée dans la boue, cernée de vidéos et malgré l’abattage des comédiens, notamment Lars Eidinger dans le rôle titre, la vision à la fois mentale et tellurique de la tragédie de Shakespeare s’étiolait dans l’immensité du plateau. Quoiqu’il en soit cet Hamlet figure toujours au répertoire de la Schaubühne, grand théâtre berlinois, codirigé depuis plus de 20 ans par Thomas Ostermeier.

Dans Petite sœur, Lars Eidinger est Sven, acteur frappé d’une leucémie. Bien qu’épuisé par les chimiothérapies, Sven, accompagné de Lisa sa sœur jumelle, se précipite à la Schaubühne où David, le directeur (Thomas Ostermeier) prépare la reprise d’Hamlet-version Avignon avec un autre comédien pour le Prince du Danemark. Face à la détresse de Sven, Lisa prend les choses en main. Elle l’installe chez elle, en Suisse où elle vit avec sa famille, veille à son traitement, colmate ses effondrements.

Ses enfants adorent leur oncle, son époux affiche une compréhension qui s’érode face à une présence-obstacle à son couple et ses projets professionnels. Qu’importe, Lisa pare au plus pressé, met sa carrière d’écrivain entre parenthèse, elle n’a plus le temps et de toute façon l’inspiration s’est dissipée. Elle cajole Sven, houspille les médecins, se dépense sans compter mais s’affiche épouse épanouie lors des dîners en société. Puis elle retourne à Berlin pour convaincre David, avec qui elle a vécu et qui monta certains de ses textes, de revenir sur ses choix artistiques.

Ecrit et réalisé par Stéphanie Chuat et Véroniques Raymond, Petite sœur croise le réel et la fiction tout au long de cette immersion dans les relations fusionnelles, sujet traité en connaissance, puisque Stéphanie et Véronique sont indissociables depuis l’adolescence. Aux liens incoercibles de la gémellité, se greffe la révolte face à la maladie qui contrarie la soif de vie : passion du jeu chez l’acteur, envies, ambitions et stratégies chez les chefs de troupe. 

Lisa se démultiplie et Nina Hoss crève l’écran. On a découvert son aplomb lumineux dans les films de Christian Petzold, notamment Barbara (2012), Phoenix (2014) puis dans le si juste et mélancolique Retour à Montawk de Volker Schlöndorff (2017). Infatigable, obstinée, Lisa-Nina illumine le grisaille hivernale, elle négocie, transige, bataille jusqu’à ce dernier plan où elle s’abandonne dans un chagrin apaisé.

PS : Depuis quelques années Nina Hoss pratique le théâtre aux côtés de Thomas Ostermeier. On rêve de la croiser un jour dans l’été avignonnais.

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