Le Club des Cinq contre l’ogre de la rivière

Actualité du 22/08/2022

C’est un film de bande comme on en lisait autrefois dans la Bibliothèque Rose (Le Club des Cinq) puis, lorsqu’on était plus grand, la Bibliothèque Verte (Les Six Compagnons).

Un collège dans l’arrière pays corse, à la suite d’un exposé sur la pollution des cours d’eau, Cat (Colombe Schmidt), Sami (Redwan Sellam), Antoine (Aymé Medeville) et Fouad (Mathys Clodion-Gines) échangent sur l’insalubrité de la rivière qui traverse leur village. La conversation oblique vers l’usine qui rend le cours d’eau impropre à la baignade. Les adolescents se montent le bourrichon, échafaudent un délire qui, au fil des échanges, s’avère de moins en moins farfelu. Pas forcément copains, les gamins scellent une association autour d’une utopie partagée : exploser la manufacture.

Après vous 2003, En liberté 2018, Pierre Salvadori est avec Bruno Podalydès (Les deux Alfred 2020, Adieu Berthe 2012), l’un de nos orfèvres du comique de situation. Comme l’on peut s’y attendre, l’aventure s’amorce dans la maladresse et le système D. Puis l’équipée se teinte de mystère et d’angoisse lorsque le commando s’introduit dans les viscères du bâtiment. Pour la suite, Salvadori et Benoît Graffin son scénariste, convoquent le conte et le Fantastique dans la description de ce monolithe ténébreux, dont le directeur (Laurent Capelutto) s’assimile à un ogre ou un démon. Dans le mélange des genres, les personnages ne sont pas en reste. Au gré des péripéties, les aventuriers révèlent des arrières pensées, comme autant de coups de théâtre qui enrichissent le récit et cimentent ses caractères.

Bande sans chef, Cat, Sami, Antoine et Fouad forment un quatuor démocratique au sein de duquel les décisions sont souvent en ballottage. D’où l’adjonction d’un Deus ex machina, en la personne d’Aimé (Paul Belhoste) le mal nommé puisque souffre douleur du collège. A la cruauté grégaire des enfants, à la bêtise arrogante des adultes, répond l’âpreté de la forêt qui griffe la peau, malmène les articulations et écorche les genoux. Pierre Salvadori exalte sa terre, sans angélisme ni esthétisme : la nature souffre mais elle se mérite et se défend.

Entre l’échappée burlesque, la fable cruelle et le parcours initiatique, La Petite bande garde la cap jusqu’à son dénouement, réfractaire aux conclusions œcuméniques souvent de mise lorsqu’on s’adresse à la jeunesse. De toute évidence la lutte n’est pas finie et la guerre propre n’existe pas. Pierre Salvadori signe un film joyeux et sévère qui, sans verser dans la démonstration, assimile à merveille ses thèmes et ses ambitions. Une réussite circonspecte et jubilatoire.

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