Le dessous des cartes

Actualité du 05/01/2022

Amorcé en 2017 avec Sur le chemin de la rédemption, démarquage des Communiants (Ingmar Bergman 1963), resté hélas inédit sur nos écrans, le retour au premier plan de Paul Shrader se confirme dans The card counter.

Le film s’ouvre sur la libération de William Tell (Oscar Isaac). Durant son incarcération le détenu a appris un métier : compter les cartes pour devenir un as du jeu en général, du poker en particulier. Tell va de ville en ville, séjourne dans des chambres qu’il transforme en cellules spartiates. Cheveux plaqués, élégant sans ambage, il joue beaucoup mais mise peu afin de pas être exclu des casinos. Le flambeur nomade sort de son mutisme lorsqu’il croise Cirk (Tye Sheridan), chien fou en rupture de tout.

Scénariste de Taxi Driver (1976), Raging Bull (1980), La dernière tentation du Christ (1988)..., réalisateur de Blue Collar (1978), Hardcore (1979)…, Paul Shrader fut salué autant que discuté pour son obsession de la faute et du pardon. Ce calviniste puritain qui, par ailleurs capte admirablement les signes du désir et l’épanouissement du plaisir, ne cesse de confronter les travers d’un système aux exigences de l’âme.

Ernst Toller, prêtre au centre de Sur le chemin de la rédemption, s’éloigne de son ministère au fil de découvertes sur le financement de sa paroisse. William Tell lui, fut confondu pour ses parades abjectes dans les geôles de Guantánamo. Il a payé sa dette, il lui reste à entrer en paix avec lui même.

En bon orfèvre du récit, Shrader n’explique rien mais donne à comprendre, en particulier ce qui se cache derrière les postures marmoréennes d’Oscar Isaac (époustouflant comme il se doit). Loin des néons « scorcesiens », le casino devient un lieu privé de jour, coupé du temps, où des rituels se perpétuent dans une stoïque tristesse. Au même titre que Travis le taximan, qu’Otto le clergyman, William suit une voie entre justice et contrition, dont lui seul connaît l’issue. On l’accompagne avec une curiosité teintée de compassion, qui s’ajoute à la joie de renouer avec un moraliste tourmenté, à nouveau au faîte de son cinéma.

 

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