The Wasteland, The Wastetown, signés par le cinéaste iranien Ahmad Baharami, les deux films sortent simultanément sur les écrans.
L’ouverture caniculaire de The Wasteland s’attarde sur des pains de glace, qui seront distribués à la main d’œuvre d’une briqueterie, sise au milieu de nulle part. Sur place, le propriétaire est descendu de la ville pour annoncer la fermeture du site, terrassé par l’essor du ciment. Lotfolah, le contremaître (Ali Bagheri), officie comme médiateur entre les employés et le patron, qui, à défaut de salaires, adresse à chacun des promesses sur mesures.
A l’orée de The Wastetown, sous un vent glacial, Bemani (Baran Kosari) négocie avec le gardien d’une casse automobile. Au pied d’une carcasse de bus, elle retrouve Ebi, son beau-frère (incarné à nouveau par Ali Bagheri). Celui-ci connaît, sans doute, l’endroit où se trouve son neveu, le fils de Bemani, qui lui fut enlevé, suite à son emprisonnement.
Dans The Wasteland, le patriarche chasse ses employés dans une résignation matoise. De retour chez soi, chaque licencié se couche et se recouvre le corps d’un drap blanc. Dans The Wastetown, Bemani passe trois nuits successives avec le gardien, le patron, Ebi puis, le matin, s’enveloppe, elle aussi, dans une étoffe, après s’être lavée les mains.
Plan séquence, prééminence du noir et blanc, narration cyclique, lenteur ritualisée.., Ahmad Bahrami place son diptyque sous l’influence de Béla Tarr et plus particulièrement du Cheval de Turin (2011), ultime opus du cinéaste hongrois. Si The Wasteland relève du drame ouvrier, The Wastetown s’apparente au thriller. Conteur incisif et méticuleux, Bahamani pigmente ses récits répétitifs, de gestes énigmatiques, d’ellipses mystérieuses. A charge au spectateur de nouer les intrigues et de considérer cette briqueterie, où hommes et femmes combinent leur force de travail dans une organisation proche du servage ou ce mausolée de ferrailles où les personnes s’éreintent comme les tôles se broient.
A l’instar d’un peintre, adepte des séries, le réalisateur ressasse les séquences, creuse, affine, enrichit les motifs. Ahmad Bahrami déploie une fresque de la désespérance, stigmatisation pointilliste du délayage d’arrogance et de paternalisme, sur lequel s’arc-boute un ordre archaïque.
Dans la Plaine ou la Ville silencieuse (titres originaux des deux films), s’écoule une colère d’une froideur solennelle. Une indignation savante et obsédante, lézarde un ordre pétrifié et confirme, plus encore, la créativité corrosive et le courage des artistes iraniens.