Marc (Pierre Niney) s’affaire, s’enferre sur le montage de son long-métrage. A bout de patience, les producteurs mettent un terme à ses dépassements et à ses services. Le congédié s’empresse de subtiliser les rushes. Flanqué de Charlotte, sa monteuse (Blanche Gardin) et Sylvia, son assistante (Frankie Wallach), le paria se réfugie dans la maison, où savoure des jours paisibles, sa tante Denise (Françoise Lebrun circonspecte et amusée).
La suite pourrait couler de source. La sérénité des Cévennes méridionales dilue doutes et procrastinations. Apaisé et revigoré, Marc retrouve le fil de sa conduite, achève son film, remporte un succès et, pourquoi pas, emporte le cœur de l’une des ses collaboratrices.
Mais Le Livre des solutions ne s’écrit pas de cette façon. Calfeutré dans sa villégiature, le filmeur met au point un Camiontage, retape une chaise, se penche sur la vie des fourmis, s'essaie à la coiffure, brigue l’écharpe de maire du village.. et s’attache à la rédaction d'un Livre des solutions. De trouvailles géniales en lubies farfelues, Charlotte, Sylvia et la placide Denise, tiennent bon la barre au cœur de cet éparpillement joyeux, qui dérive peu à peu vers un maelstrom cyclothymique.
Les contrastes et la dispersion, Michel Gondry en connaît un rayon. Outre les clips musicaux, films publicitaires, installations, usines à films.., le cinéaste est l’auteur, entr’autres, d’une bande de super héros (The Green Hornet 2011), d’un chef d’œuvre romantique (Eternel sunshine of a spotless mind 2004), d’une Conversation animée avec le philosophe Noam Chomsky (2014), d’une adaptation de L’Écume des jours (2013), roman de Boris Vian, autre touche-à-tout patenté.
Huit ans après Microbe et Gasoil, conte pour enfants teinté d’autobiographie, Gondry revient au cinéma et fraye vers l’autofiction. Suite à la post-production tourmentée de L’Écume des jours, Michel connut sa période Marc, pendant laquelle il se porta acquéreur de la maison, décor central du Livre.. . Mieux encore, suite à l’échec de Human Nature (2001), Le filmeur néophyte ouvrit un cahier, afin de recenser toutes les erreurs commises dans ce premier opus. Donc il existe, en vrai, un Livre des solutions.
Sur les traces de Federico Fellini et son Huit et demi (1963) et, plus proche de nous, Pedro Almodovar (Douleur et gloire-2019), Michel Gondry se penche sur les caprices de l’inspiration. Mais en contrepoint du trou noir ou de la page blanche qui paralyse ses prédécesseurs, Marc-Michel s’embourbe dans un trop-plein de trouvailles, qui sature son esprit et épuise son entourage.
Le film amuse, éblouit parfois puis tourne en rond, à l’image de Marc, incarné par un Pierre Niney, solaire et borderline. L’acteur orchestre cette fantaisie bucolique, jusqu’à la conduire, à force d’exclamations, de Post-it et de schémas abscons, vers une fuite en avant, moins créative que pathologique. Après Bruno Dumont, Benoît Delépine, Gustave Kervern, Quentin Dupieux.., Blanche Gardin poursuit son compagnonnage avec les meilleurs excentriques du cinéma français. Agrémenté de la bonhommie terrienne de François Lebrun, ce petit monde donne corps à un work in regress, qui jongle avec les surprises, le malaise et le ravissement, tel l’enregistrement symphonique dans la remise et les quelques accords, plaqués par une star planétaire de passage, histoire de rendre service.
Pétri d’imagination, de clairvoyance et de distinction , Le Livre des solutions témoigne que Michel Gondry va mieux et demeure égal à lui même. Bref, que des bonnes nouvelles.
Photographies : Partizan films.