Madeleine Collins s’ouvre sur un majestueux plan séquence, façon ouverture d’opéra où se compilent les airs qui balisent l’ouvrage. Le film se poursuit en Suisse, dans une petite villa où Margot vit avec Abdel son compagnon et sa petite fille. Traductrice de conférence, son métier l’amène souvent en France où elle devient l’éblouissante Judith, mariée à Melvil, chef d’orchestre à l’avenir prometteur et mère de deux garçons.
De cette double vie, Antoine Barraud tire un thriller dénué d’acte criminel (un excès de vitesse et une fausse carte d’identité constituent les seuls délits de l’histoire). Pourtant la tension s’affirme au fur et à mesure que s’effritent les cloisons élevées par cette très belle femme qui respire la maîtrise et l’apaisement. Le récit tient du labyrinthe et du puzzle. Au fur et à mesure que l’on progresse dans le parcours tortueux dessiné par Margot-Judith, l’on reconstitue le dispositif rigoureux et délirant, sur lequel se fonde son existence.
En dépit d’une musique surlignante, Madeleine Collins file droit sur ses deux pattes : le scénario et Virginie Efira. Quelques mois après Benedetta, l’actrice se glisse à nouveau dans un personnage à la fois solaire et indéchiffrable. A ce titre la scène du concert, ou son visage transporté par la musique est peu peu déformé par un accès de lucidité, résume les hiatus intérieurs de cette femme entre l’icône et le cas clinique. D’un bout à l’autre de leur fuite en avant, Virginie-Margot-Judith-Madeleine affichent et respirent la beauté de l’insondable.