Le temps de l'aventure

Actualité du 17/09/2022

Cent fois sur le métier Emmanuel Mouret remet son ouvrage et redessine à l’envie sa Carte du tendre. Chronique d’une liaison passagère: le titre affiche le projet. Il s’agit d’une aventure.

Charlotte et Simon se croisent et se plaisent. Elle veut brûler les étapes, lui aimerait prendre son temps. Elle est séparée mais néanmoins mère de trois enfants dont un en bas âge. Il est marié et pas vraiment volage. Un accord est scellé : les deux amants ne partageront que du bon temps, sans plainte ni question. Que du plaisir. Tant pis si le bonheur frappe à la porte.

A l’unisson du pacte amoureux, le film adopte la forme d’un compte rendu, chapitré par les dates où elle et lui profitent l’un de l’autre. L’épouse et l’enfant demeurent hors champ, comme les moments au cours desquels, la mère et l’époux recourent au mensonge ou la dissimulation.

S’il s’astreint à ce pacte hédoniste, Emmanuel Mouret cerne les limites et paradoxes du plaisir sans entrave. Ainsi dans son dernier tiers, le marivaudage dérive vers le libertinage, comme si Charlotte et Simon voulaient mettre à distance les sensations d’attachements et de manque, signes avant coureurs des sentiments qui s’immiscent dans leur relation.

Musée, cinéma, café, salles de sport, jardin public…, le récit trace la topographie d’une romance adultère durant laquelle chacun slalome entre les cloisons et se délivre comme il peut des obligations. A un moment Charlotte et Simon visionnent Scènes de la vie conjugales (1973), étude de la déréliction d’un couple sous l’objectif-scalpel d’Ingmar Bergman.

L’approche d’Emmanuel Mouret s’avère plus solaire, tendance Woody Allen époque Annie Hall (1977). Moins fataliste que Les Choses qu’on dit et les choses qu’on fait (2020), moins désenchanté que Mademoiselle de Joncquières (2018), opus précédents à l’issue desquels les caractères sortaient affectés voire dévastés par leurs relations, Chronique d’une liaison passagère priorise la légèreté, l’espièglerie et la délicatesse, qualités peu en cour par les temps qui courent.

Ce nouvel épisode confirme l’attachement du réalisateur pour les acteurs. Aux côtés de Sandrine Kiberlain comme toujours parfaite, Vincent Macaigne hésitant et maladroit, s’affirme comme l’alter égo idéal du réalisateur, autrefois protagoniste de ses propres histoires. Quoi qu’il en soit, même s’il ne joue plus, Emmanuel Mouret confirme à nouveau sa dilection du verbe et sa maîtrise dans l’art de la conversation.

 

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