Le Vieil homme digne

Actualité du 09/01/2023

Réalisé en 1952 par Akira Kurosawa, Vivre (Ikuru) s’attache à Watanabe, fonctionnaire dans un Hôtel d’arrondissement de Tokyo. Lorsque son médecin lui confirme un cancer avancé, le vieil homme veuf et laconique entreprend de goûter aux plaisirs de la vie. Dans sa quête, il croise un romancier fêtard, tente de s’ouvrir à son fils qui partage la maison familiale avec son épouse. Il amorce une amitié affectueuse avec une jeune employée de son service. Il accélère enfin le projet d’un réseau d’assainissement dont le dossier végète sur son bureau.

Sursaut de vie à l’approche de la mort, l’énergie en aplomb de la mélancolie, cette apologie de l’héroïsme ordinaire reste l’un des sommets du maître japonais qui, deux ans plus tard signera, Les Sept Samouraïs, œuvre à jamais emblématique. Soixante dix ans plus tard, Olivier Hermanus reprend la trame de la fresque intimiste, pour l’occasion adaptée-concentrée par l’écrivain Kazuo Ishiguro.

L’époque demeure la même, cependant Living s’ouvre sur des vues de Londres à l’orée des années 50. La transposition s’avère astucieuse et judicieuse, vis à vis des usages propres aux sociétés japonaise et britannique, régies l’une et l’autre, par des civilités chevillées au maintien individuel et au respect d’un strict protocole hiérarchique.

Outre la reconstitution d’une nation dévastée par la guerre, lancée désormais sur la voie chaotique de la résilience et la reconstruction, la version d’Olivier Hermanus puise son atout majeur dans une interprétation sans vedette et au cordeau, dominée par Bill Nighy. Abonné aux prestations iconoclastes : Pop star sur le retour dans Still Crazy (1998), directeur-dandy d’une radio pirate (Good Morning England 2009), Flibustier de parc d’attraction (Pirates des Caraïbes 2006-2007), l’acteur surprit néanmoins sous le flegme perspicace du détective John Kildare, figure de prou de Golem (2016).

Engoncé dans le col blanc et la veste grise de M. Wlliams, Nighy essouffle sa voix, ralentit ses gestes, effile sa longue silhouette jusqu’à l’effacement. Mais plus tard, le scribouillard épatera ses collègues et encombrera certains de ses supérieurs, quelque peu décontenancés par une si tranquille obstination. Subtil, minutieux, étranger à toute démonstration, l’acteur intrigue, émeut, amuse par moment et nous pousse à admettre que M. Williams est décidément un zombie bien vivant.

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