Les Eaux de vie

Actualité du 21/10/2025

 

Propulsée au sommet grâce au succès planétaire de la franchise Twilight (5 films entre 2008 et 2012), César d’interprétation pour Sils Maria (Olivier Assayas 2015).., Kristen Stewart dose, depuis ses débuts, les productions de studios et des projets singuliers, portés par Kelly Reichardt (Certaines femmes 2016), Pablo Larrain (Spencer 2002) ou Rose Glass (Love lies bleeding 2024).. .

Cette inclination pour la recherche et l’indépendance amène naturellement l’actrice derrière la caméra.

En 2017, Kristen Stewart découvre The Chronology of Water (La Mécanique des fluides), récit autobiographique de la nageuse Lidia Yuknavitch. Huit années et 500 (sic) versions plus tard, elle en réalise l’adaptation dans un premier film tenu et surprenant.

D’un paternel, monstre domestique déguisé en architecte respectable, à un ogre, certes adipeux mais plutôt bienveillant, en passant par des proches mutiques ou des compagnons inappropriés, Lidia (Imogen Poots) se panse le long des lignes d’eau, puis s’abîme à nouveau dans diverses substances.

D’effondrements en résiliences, le parcours de combattante est restitué dans une recension morcelée qui s’écoule au fil des formes de l’eau. La pratique exutoire de la natation se combine aux fluides corporels (mictions, menstruations, nectar de jouissance..) et autres mixtions narcotiques. Ces eaux de vie innervent un patchwork organique où le corps profané, abîmé, épuisé, figure le réceptacle des affects d’une très jeune femme peu ménagée par son cercle familial.

La récurrence des petits cailloux invoque le conte de fée (Le Petit Poucet ?), un chemin initiatique au cours duquel, tel un Falstaff tempétueux, l’écrivain Ken Keysey (Jim Belushi), auteur de Vol au-dessus d’un nid de coucou, initie Lidia à l’intensité réparatrice de l’écriture.

Symbolisme rémanent, filmage en 16mm (avec défauts de tirage et surexpositions), segments stroboscopiques en osmose avec l’hubris tourmentée du personnage, la réalisation ne lésine pas sur les choix auteurisants.

Dans ce dédale de crises et apaisements, Kristen Stewart tient le cap sans perdre ses spectateurs. Son dosage des pleins et déliés affiche un art consommé montage. L’engagement sans complaisance d’Imogen Poots complète la réussite de ce kaléidoscope physiologique, souvent déstabilisant et néanmoins captivant, qui de bout en bout, témoigne d’un talent à la hauteur de ses ambitions.

Photographies : Films du Losange

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