Les mains dans le cambouis

Actualité du 06/02/2022

Si les films laborieux usent l’intérêt, ceux qui montrent le travail sont toujours intéressants. Les promesses nous conduit dans les arcanes d’une mairie en Seine Saint Denis. Clémence (Isabelle Huppert) termine un second mandat. Avec son soutien, la première adjointe (Naidra Ayadi), candidatera aux prochaines élections. Auparavant, afin de partir en beauté, Clémence entend décrocher le financement nécessaire à la réhabilitation des Bernardins, barre d’immeuble de quelques 3000 habitants. Elle est aidée dans sa tâche par Yazid (Reda Kateb), son dir-cab, issu de la cité.

Thomas Kruithof détaille la complicité fusionnelle entre cette femme-médecin qui, un jour, délaissa le soin à la personne pour le bien public et ce transfuge social, adulateur de Barak Obama. Le duo est pris entre deux feux, d’un côté les résidents des Bernardins, qui face à la dégradation du bâtiment et la dévalorisation de leur habitation, décident de ne plus payer leurs charges. D’un autre, de hautes instances qui cultivent une vision lointaine et comptable des périphéries.

Cette approche disparate éclate lors de l’entretien entre Clémence, élue de terrain face à un (très jeune) technocrate, capitonné dans les dorures, obnubilé par l’image, le symbole signifiants. Dans les deux cas, il s’agit de négocier pied à pied, de promettre, de composer, voire intimider, selon un pragmatisme parfois border line mais toujours au service du collectif. Tous les coups sont permis, mais pour une bonne cause.

Clémence et Yazid avancent de concert jusqu’au moment où le bloc se fissure lorsque, un temps désemparée, Clémence décide de briguer un nouveau mandat.

Solidement documenté, formidablement interprété : Huppert droite dans ses bottes même si vacillante sur ses hauts talons; Kateb, d'un sang froid à 4 épingles (façon Obama), sans oublier Laurent Poitrenaux, Jean-Paul Bordes, Hervé Pierre (de l’inévitable Comédie Française).., Les promesses s’inscrit dans le sillage des films dossiers de Francesco Rosi (Main basse sur la ville 1963) ou, plus proche de nous, L’exercice de l’Etat réalisé en 2011 par Pierre Schoeller.

Ce thriller social montre à l’œuvre des moines-citoyens qui usent de leur pouvoir sans s’écarter de l’éthique et des convictions. En ces temps de démocratie ballottée, voila des animaux politiques que l'on l’espère en voie de conservation.

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