Il existe quelques analogies entre Antoinette dans les Cévennes et Une femme du monde. Dans le premier Laure Calamy gesticule, peste à l’encontre de Patrick, l’âne rétif. Dans le second elle bouscule l’inertie d’Adrien (Nissim Renard), ado sur la mauvaise pente. Même détermination, même énergie, à ceci près que dans Une femme du monde, l’actrice n'est plus enseignante mais travailleuse du sexe.
Afin d’inscrire Adrien dans une école hôtelière privée, Marie doit rassembler plusieurs milliers d’euros. Rabrouée par les préteurs, inéligible à l’emprunt bancaire, Marie délaisse Strasbourg et ses pratiques indépendantes pour l’abattage propres aux éros center d’outre-Rhin.
Dans le sillage de Ken Loach et des frères Dardenne, Cécile Ducrocq s’inscrit dans un réalisme documenté. Artisanal ou intensif, la réalisatrice montre le travail. De cette observation rigoureuse, il ressort qu’avec ses objectifs drastiques, ses compétitions, ses coups bas et quelques élans solidaires, le milieu du sexe tarifé ne déroge guère aux règles en vigueur dans la plupart des environnements professionnels.
A la vision vériste, s’ajoute le portrait d’une mère obstinée. Comme le souligne Cécile Ducrocq, Il y a du Mama Roma (Pier Paolo Pasolini 1962) dans cette mère têtue et tendue, qui défend sa corporation, stigmatise les abus et se jette à corps perdu pour ouvrir un avenir à son fils.
Quasiment de tous les plans, Marie avance, bouscule, s’enthousiasme, fulmine. Toujours borderline, jamais dans l’excès, Laure Calamy insuffle son tonus charismatique, à cette Femme du monde qui a tiré un trait sur ses désirs, sur sa vie amoureuse, mais cultive un orgueil et une rage d’exister gravés dans l’image finale : une silhouette à contre jour, isolée, droite et bien vivante.