Médiévales tripes

Actualité du 31/05/2022

Visionner The Northman consiste, en un premier temps, à recenser les emprunts et références. A commencer par Shakespeare, le héros se nomme Ameleth, le roi, son père fut assassiné par son oncle. Son chemin de vengeance croise un fantôme, une sorcière et plus tard une souveraine dévoyée pour le compte par les vertiges du pouvoir. L’épée capricieuse qui refuse parfois de sortir du fourreau, renvoie à Excalibur, fétiche cardinal de la saga arthurienne. Enfin l’empreinte de Tolkien s’inscrit dans l’ésotérisme primitif qui baigne les péripéties.

Cette approche mitigée évolue lorsqu’on découvre que le projet puise son origine dans la Gesta Danorum, rédigée à l’aube du XIIème siècle par l'historien danois Saxo Grammaticus. Cette geste médiévale serait donc la source première d’une large partie de la culture du vieux continent et accessoirement du nouvel opus de Robert Eggers.

Situé sur les landes scandinaves, à l’aube du moyen âge, le film confirme la dilection du réalisateur pour les temps passés, voire reculés : The Lighthouse (2019) se déroule à la fin du XIXème siècle, The Witch (2015) plonge dans l’Amérique des années 1700. Sol boueux, habitations caverneuses, lumière de torches ou de flambeaux, The Northman conjugue reconstitution documentée et formalisme esthétisant : voix caverneuses mixées aux infrabasses, assauts guerriers, éviscérations punitives, restitués dans de savantes compositions.

Si son maniérisme surplombant peut lasser jusqu’à l’exaspération, Robert Eggers n’en demeure pas moins un cinéaste peu porté sur les conventions héroïques. Incarné tout en pectoraux par Alexander Skarsgärd,  Amaleth est un prince dont les accès de sauvagerie supplantent largement les actes de noblesse. Face à lui, l’oncle félon apparaît moins pervers que tourmenté. Approche désabusée des préceptes familiaux (The Witch), misanthropie foncière (The Lighthouse) irriguent à nouveau The Northman, qui déploie une ambivalence jusqu'à la radicalité, peu courante dans ce type de production au propos et à l’imagerie surformatés.

Un final en queue de poisson (de saumon ?) donne à penser qu’une suite est à envisager. A défaut d’impatience on l’attendra avec curiosité, comme tout prochain film de Robert Eggers.

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