Melissa et ses mystères

Actualité du 19/04/2024

De la centrale de Fleury Mérogis au centre pénitentiaire de Borgo, de la région parisienne vers le sud de Bastia, pour Melissa (Hafsia Herzi) la nouvelle affectation constitue un nouveau départ pour elle, ses deux filles et Djibril son compagnon (Moussa Mansaly).

Dans la prison à régime ouvert (les cellules restent déverrouillées tout au long de la journée), la matonne assure ses fonctions tout en veillant que ça se passe bien. A ce titre, elle fournit des cigarettes à prix coûtant ou apporte un ventilateur à un taulard asthmatique. Ainsi, dans le quartier des hommes, la surveillante devient Melissa, tout simplement.

Sur place, elle retrouve Saveriu (Louis Memmi), jeune détenu croisé à Fleury. Une empathie se noue, propice à quelques épanchements. Une fois avouées, les difficultés d'intégration s’aplanissent pour le compte. Son quotidien s’apaise mais Melissa est désormais une obligée, assujettie à des renvois d’ascenseur qui vont de la simple information jusqu’à la dangereuse complicité.

Quatre ans après La Fille au bracelet, Stéphane Demoustier livre un nouveau polar, doublé d’une étude milieu et d’une énigme de caractère. Au même titre que Lise, adolescente accusée d’un meurtre qu’elle ne reconnaît pas, Melissa passe à la question. La Fille au bracelet atteint le zénith de sa tension lors d’un procès d’assise, Borgo culmine son suspense, durant le face à face entre la suspecte et les enquêteurs.

Hafsia Herzi survole la confrontation. D’une autorité attentive vis à vis des prisonniers, Melissa s’avère laconique, infaillible, face aux coïncidences accablantes brandies par les policiers. Déjà perceptibles dans Le Ravissement (Iris Kaltenbäck-2023), l’actrice déploie à nouveau l’intensité intérieure et les émois dissonants qui se dissimulent derrière sa physionomie boudeuse, son allure nonchalante. Si elle s’accoutume à cette communauté testotéronée où les détenus surveillent les gardiens, débarrassée de son uniforme, Melissa ne semble pas insensible aux usages insulaires, pastis clanique à base de douceur de vivre et d’armes à feu.

Outre l'omniprésence charismatique de son interprète, Borgo brille par ses mises à distance. Aux même titre que les mafieux chers à Martin Scorsese, les truands corses agrémentent leur brutalité d’une faconde toute méditerranéenne. Ironie encore, distillée par le duo constitué d’un inspecteur tatillon (Pablo Pauly) et son supérieur (Michel Fau), commissaire placardisé qui, de toute évidence et au même titre que la directrice de la prison (Florence Loiret-Caille), attend sa réaffectation sur le continent.

Dépourvu de morceau de bravoure, si ce n’est le plan séquence d’ouverture, Borgo tient néanmoins en haleine par sa solide construction, son dosage des registres, et l’insaisissable complexité de son caractère principal. Hafsia Herzi confirme un aplomb d’exception, tout au long d’une réalisation qui relève moins de la mise en scène que de la mise en selle.

Photographies : Le Pacte.

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