Mélo modèle

Actualité du 18/12/2021

Uberto Pasolini possède une trajectoire peu commune. Sans lien de parenté avec Pier Paolo, il est néanmoins le neveu de Luchino Visconti. Né coiffé dans le cinéma transalpin, il s’installe producteur Outre-Manche et décroche le jackpot en 1997 avec le succès planétaire de The Full Monty, prototype du feel good movie prolétarien. Passé à la réalisation, Pasolini reste attaché aux classes populaires, qu’il aborde dans une tonalité à revers de la comédie optimiste.

De nos jours, dans une ville d’Irlande du Nord. John est laveur de carreaux. Ses nettoyages achevés, John rentre chez lui où Michael l’attend… à la fenêtre. Dans le petit appartement l’enfant joue et dessine, comme avant les jeux vidéos. Lorsque le père et le fils sortent, ils se baladent dans un parc ou rendent visite à des familles plus ou moins recomposées.

Fidèle à ses paradoxes, Pasolini prise peu les mots. Plutôt qu’expliquer, notre italien préfère donner à voir et à deviner. John imagine la vie de ses clients à travers les vitres, le spectateur lui, perçoit les enjeux au détour d’un regard, d’une bribe de conversation. Si elle est banale comme la vie, la situation s’avère déchirante comme jamais.

Signe des temps ? Hasard de la diffusion ? Depuis septembre un certain nombre de films abordent la maladie et la fin de vie. Dans Tout s’est bien passé et Une vie démente, le sujet passe par le filtre du numéro d’acteur(rice), de la distance ironique ou fantasque. Amaigri, affaibli, Benoît Magimel irradie De son vivant. Pourtant, malgré la performance de son interprète, Emmanuelle Bercot multiplie personnages et péripéties dans une sur-dramatisation contre productive.

A l’inverse dans Un endroit comme un autre, Uberto Pasolini avance par soustraction. Il élague, élimine, jusqu’au minimum nécessaire pour jauger l’émotion au gré la perception. Dans sa tâche le réalisateur s’appuie sur la sobriété des interprètes et l’harmonie proprement miraculeuse qui unit James Norton au tout jeune Daniel Lamont.

Souvent mésestimé, voire méprisé , le mélodrame demeure un genre périlleux, en équilibre précaire entre le pathos et la complaisance. Atteindre le plus en cultivant le moins, dans ce registre et au même titre que Une nouvelle vie, du même auteur (2016), Un endroit comme un autre s'affirme comme un modèle du genre.

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