Nommer les choses

Actualité du 14/04/2024

Une enseignante confond une collègue chapardeuse (La Salle des profs-Ilker Catak), Recalé à l’oral du bac, un lycéen justifie son échec par les opinions politiques de son examinateur (L’Affaire Abel Trem-Gàbor Reisz). Suite à une explication de texte, un professeur de français est accusé de harcèlement par l’une de ses élèves (Pas de vagues-Teddy Lussi-Modeste). Diffusés à quelques jours d’intervalles, ces titres témoignent qu’en Allemagne, en Hongrie, en France, les lieux d’éducation constituent désormais la caisse de résonance des clivages de l’époque, doublé d'un champ de manœuvres pour les menées totalitaires.

Amal, un esprit libre, corrobore le constat. En Belgique, les lycées accueillent des cours religieux, au contenu affranchi du visa de l’institution. Afin de contrer le harcèlement dont est victime Monia, Amal, sa prof de lettres (Lubna Azabal), se lance dans l’analyse d’un poème d’amour de Abū Nuwās, auteur persan du VIIIème siècle. L’initiative lui vaut l’hostilité d’une partie de sa classe et les réticences de son collègue, par ailleurs imam, chargé de la classe de religion musulmane (Fabrizio Rongione).

Dans un premier temps à mots feutrés, les réprimandes deviennent plus appuyées, jusqu’à l’intimidation puis la coercition.

Après avoir dénoncé les conditions de travail des saisonniers accueillis en Belgique (Insoumise-2016), Jawad Rhalib questionne la place du confessionnel dans l’éducation publique d’Outre Quiévrain. La contamination salafiste est nommément stigmatisée à travers un fait de société, qui bifurque vers le thriller pétri d’angoisse et de pratiques maffieuses.

Épaulé par la composition à fleur de peau et multi-récompensée de Lubna Azabal, Amal, un esprit libre, érige le savoir et la laïcité comme uniques contre-feux à l’obscurantisme islamiste. Issu du documentaire, Jawad Rhalib livre un film frontal qui sidère par l’âpre réalisme de certaines situations et la mise en cause manifeste des pressions religieuses, attisées par les atermoiements de l’institution.

Il faut nommer les choses, martèle Amal. Jawad Rhalib mêle, ici, le film à la parole.

Interview de Jawad Rhalib, enregistrée, en mars dernier à Avignon, lors des Rencontres Cinématographiques du Sud.

Amal, un esprit libre : dans les cinémas à partir du 17 avril.

Photographies : UFO Distribution.

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