Oranges sanguines Pas de quartiers

Actualité du 28/11/2021

Constituée en 2005 par Jean-Christophe Meurisse, Les chiens de Navarre est une compagnie théâtrale qui revendique un engagement bête et méchant. A son ouverture Oranges Sanguines se place dans le sillage d’Apnée (2015), premier long métrage animé par la bande et dirigée par son fondateur.

D’un concours de danse au cabinet d’une gynécologue, alias Blanche Gardin égale à elle même, le film enfile les scénettes. Au fil des sketches apparaissent un couple de retraités surendettés, une adolescente déterminée à perdre sa virginité, un ministre féru d’évasion fiscale et un jeune avocat embauché dans un cabinet huppé. Ce dernier sert de fil conducteur à travers des vignettes décapantes, parfois jusqu’au malaise (le déjeuner au cours duquel le jeune plaideur endure la suffisance inquisitrice de son employeur).

Un aphorisme de Gramsci, philosophe-politicien (1891-1937) annonce pompeusement la rupture de ton. La satire incisive se dilue dans un précipité à base de gore et d’horreur économique. L’humeur devient plus sombre, brutale jusqu’à la cruauté. S’il pousse loin le bouchon, Meurisse et ses complices posent de bonnes questions. Complaisance, mauvais goût, pornographie, vulgarité…, où se niche l’obscénité entre un politicien corrompu qui met en scène une probité fabriquée et une très jeune femme qui entreprend de punir celui qui l’a violentée. A quel degré placer le curseur de l’abjection dans un temps farci d’informations, d’images et de sensations ?

Oranges sanguines se regarde comme on lit Charlie Hebdo : entre deux éclats de rire, avec attention, indignation voire réprobation face à la chute d’un éditorial ou un dessin mal ajusté. Solide sur ses bases, le film cogne fort et frappe juste, parfois dans les limites de l’admissible. Mais là est la règle du jeu. Et de l’enjeu.

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