Pour son 13ème film, Jean-Pierre Améris surprend son monde. Si l’on retrouve l’intérêt pour la cellule familiale et la curiosité pour des conduites atypiques, dans Profession du père, le réalisateur délaisse son regard aimable pour la peinture clinique d’un enfer intime.
Lyon début des années 60, Émile vit avec sa mère sténo-dactylo et son père qui a été parachutiste, sportif de haut niveau, collaborateur de la CIA, conseiller de Charles de Gaulle… . Il a été, il n’est plus mais garde le bras long. Lorsque l’autodétermination est accordée à l’Algérie. Il embrigade son garçon de 12 ans dans l'assassinat du Général.
Jean-Pierre Améris dirige Benoît Poelvoorde une troisième fois. Si Les émotifs anonymes (2010) et Famille à louer (2015) s’appuyaient sur la maladresse fantasque du personnage, Profession du père creuse dans les confusions et les fêlures exploitées dès 1992 dans C’est arrivé près de chez vous puis en 2005 par Anne Fontaine pour Entre ses mains.
Conteur cyclothymique, le paternel exerce une emprise totale sur son fils qui l’admire autant qu’il le craint. La fascination répulsion est encore favorisée par la passivité de la mère, dont on arrive à se demander si il n'y a pas un second monstre tapi dans la maison. A l'intérieur de cet appartement blindé de meubles massifs, les névroses et la terreur s’incrustent jusqu’à contaminer des existences périphériques. Silence, déni et dommages collatéraux.
Aux côtés de Poelvoorde glaçant et pitoyable, le jeune Jules Lefèvre reflète sans artifices l'ambivalence des sentiments d’Émile. Audrey Dana restitue au plus près les paniques d’une mère pusillanime. A ce stade rien de nouveau: Jean-Pierre Améris sait choisir ses acteurs.
Pas de tout repos mais ne s'oublie pas de sitôt.