Passé le mur de sons

Actualité du 14/09/2025

 

La première séquence est saisissante : en silence, sous un soleil écrasant, des bras empilent des caissons de haut-parleurs. Un imposant mur de sons s’érige au pied d’une falaise monumentale. Quelque part, à la lisière du Sahara marocain, se machine une rave party.

Quatrième film d’Oliver Laxe, Sirat se décline en trois chapitres. Le premier s’immerge dans un sabbat dansant. À défaut d’apprécier les pulsions de l’électro danse, de priser les transes sous infra-basses, de partager la trempe des teufeurs, l’on s’attarde sur Luis (Sergi Lopez). Désemparé mais déterminé, flanqué de son fils Esteban (Bruno Nunez), le père distribue les photos de sa fille aînée disparue dans l’un des ces rassemblements illicites.

L’intervention de l’armée met un terme à la fête. Lors de l’expulsion, au volant de son monospace, Luis prend le sillage de deux bahuts qui, pour rejoindre un autre regroupement, s’engouffrent dans le désert de l’Atlas.

Des véhicules tracent à fond de train sur une immensité désertique. Le second segment affirme sa proximité avec Fury Road (George Miller 2015), quatrième volet de la série Mad Max, fondée sur une double (et longue) poursuite. Dans l’habitacle d’un camion, un autoradio annonce l’imminence d’une troisième guerre mondiale. L’expédition vire à l’équipée dangereuse, démarquée du Salaire de la peur (Henri-Georges Clouzot 1953) et son avatar hollywoodien : Sorcerer (William Friedkin 1977).

Outre les analogies et citations, le cinéaste galicien affirme à nouveau sa vision d’une nature immanente et sa dilection pour les parcours métaphysiques, attachements palpables dans Mimosas-La Voie de l’Atlas (2016) et Viendra le feu (2019).

Au mitan du récit, un tragique accident insuffle la tension dans la contemplation. L’équipée transsaharienne vire à la fuite en avant mortifère. Selon le Coran, le sirat désigne le pont précaire qui surplombe les enfers. La traversée du marais dans le film de Clouzot, du fleuve déchaîné dans celui de Friedkin trouvent ainsi leur équivalent aux limites d’une mer de sable.

Dans ce climax dramatique d’une rare intensité, la crasse folie des hommes contamine un paysage en majesté. Surgit alors la dérive de Aguirre le conquistador halluciné, terrassé par la Colère des dieux (1972). Certes Oliver Laxe prend quelques distances avec le nihilisme lancinant de Werner Herzog. Lorsque Aguirre tourne en rond, Luis suit une ligne droite.

Quoi qu’il en soit et quelque peu étouffé par ses références, Sirat n’en demeure pas moins une errance des âmes, en symbiose avec une humanité qui fonce contre un mur, sans, pour l’instant, dévier de sa trajectoire.

Photographies : Pyramide Distribution.

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