Pina Bausch plus que jamais

Actualité du 22/04/2023

Nelken, 1983, le plateau de la Cour d’honneur du Palais des papes recouvert d’un tapis d’œillets, l’image est inscrite à tout jamais dans la mémoire du Festival d’Avignon. Pina Bausch fut à quatre reprises, de 1981 à 2000, l’invitée de l’été avignonnais. Durant cette période, la danseuse-chorégraphe allemande porta au plus haut le concept de danse-théâtre.

Créée et dirigée par son fils Salomon, la Fondation Pina Bausch préserve et cultive l’œuvre de l’artiste décédée en 2009. A ce titre, Dancing Pina documente la transmission de deux pièces emblématiques : Le Sacre du printemps aux élèves de l’École des Sables, fondée au Sénégal par Germaine Acogny, figure de prou de la danse africaine et Iphigénie en Tauride au corps de ballet du théâtre Semperoper de Dresde. Le réalisateur Florian Heinzen-Ziob alterne les work in progress.

Exactitude des gestes, souvenir des sensations, la première étape convoque la mémoire des interprètes, notamment Malou Arondo et Clémentine Deluv qui incarnèrent tour à tour Iphigénie depuis sa première en 1974. A partir d’antédiluviennes vidéos, chacune décrypte attitudes et mouvements. Surtout, l’une et l’autre se remémorent l’état émotionnel qui les habitaient au fil des évolutions de leur corps et de leur vécu.

Respecter puis se lâcher. Entre la vitalité hétérogène des danseurs africains et la technicité des membres du Sameroper, la démarche archéologique est soumise à une nouvelle génération qui doit adapter la précision millimétrée de chaque posture à sa morphologie, ses acquis et son propre ressenti.

Le processus d’appropriation est jalonné de témoignages des jeunes et des aînées. Ces dernières évoquent leur épanouissement au sein du Tanztheater de Wuppertal, compagnie en rupture avec les physiques formatés de la danse classique. Des Battles fortifiantes, aux luttes contre les préjugés familiaux ou harcèlements homophobes, les héritiers commentent leur itinéraire au sein d’environnements où, souvent, l’art relève plus d’une tare rédhibitoire que d’une roborative nécessité.

Au terme des répétitions, un coup de théâtre frappe le magnifique studio à ciel ouvert de l’École des Sables. Le film se transforme alors en témoignage déchirant sur un gâchis, lié à la réalité du moment. Mais, alliée à la fièvre des artistes, la souplesse des caméras suscite une somptueuse séance de consolation.

Comme son titre l’indique, Dancing Pina restitue de larges extraits dansés, précipités de failles, d’élégance et de puissante mélancolie, propres à la Danse de l’âme, chère à une artiste dont le style et l’éthique traversent les âges et surmontent les aversions. A ce tire, Dancing Pina demeure un concentré de nostalgie qui respire la soif de vivre et la confiance en l’avenir.

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