Pinball et waterbed

Actualité du 08/01/2022

Un collège californien, début des années 70, Gary et Alana se croisent sur une photo de classe. Elle est l’assistante du photographe, il est sur la photo. De 10 ans son aînée la jeune femme est étonnée par ce potache rondouillard à la fois exubérant et concerné. La plupart du temps Gary veille seul sur son frère cadet alors qu’Alana vit toujours dans sa famille, dominée par un patriarche juif orthodoxe et policier à la retraite.

Licorice Pizza tient du Home Movie. Paul Thomas Anderson situe son neuvième long métrage à San Fernando, vallée de Los Angeles où il vit depuis son enfance. Pour le couple central, il sollicite Cooper Hoffman, fils de l’acteur Philip Seymour Hoffman (1967-2014), avec lequel il tourna 5 films et Alana Haim, fille d’une de ses anciennes institutrices.

Pendant plus de deux heures Gary et Alana se tournent autour, s’enthousiasment, se houspillent, se brouillent, brièvement, incapables de rester trop longtemps éloignés l’un de l’autre. Au fil de cette éducation sentimentale l’un ou l’autre croise un clone de William Holden (Sean Penn pour une fois supportable), un avatar de Billy Wilder (Tom Waits) ou encore le coiffeur priapique de Barbara Sreisand (Bradley Cooper)… .

Au même titre que Quentin Tarantino dans Il était une fois à Hollywood ou Edgar Wright et son Last night in Soho, Paul Thomas Anderson déroule la nostalgie rêvée d’une époque qu’il n’a pas connue. Né en 1970, le réalisateur reconstitue la panique provoquée par l’essence rationnée lors du premier choc pétrolier de 1973. Lorsque Alana se pique de politique il reconstitue une séquence du Taxi Driver de Martin Scorsese (1976).

Sans se départir de ses thèmes fétiches : les rapports filiaux, les époques passées, Paul Thomas Anderson mitonne sa madeleine proustienne, une gourmandise avec des plis d’amertume et des comédons, une rêverie où les gamins vendent des waterbeds et les filles conduisent des camions.  Nappée des rythmes et mélodies des Four tops, Paul Mc Cartney, David Bowie, porté par la délicatesse tonique de ses deux interprètes, en rupture avec les standards plastiques hollywoodiens,…, Licorice Pizza respire la soif de vivre et la liberté de filmer. Par les temps qui courent voila qui relève de la première nécessité.

Ps : Licorice Pizza (pizza à la réglisse) ne désigne pas une improbable galette mais une chaîne de restauration très en vue dans l’Amérique des seventies.

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