Plein emploi mode d’emploi

Actualité du 10/04/2023

About Kim Sohee, se divise en deux actes. Dans le premier, une lycéenne signe une convention de stage, dégottée de haute lutte par son professeur, auprès d’un opérateur en télécommunications. Dans le second, une officier de police enquête sur l’origine d’un corps repêché dans un lac gelé.

Vive, obstinée, en classe ou face au miroir d’un studio de danse, Kim Sohee (Kim Si-eun), débarque dans l’espace partagé d’une plate forme téléphonique. La stagiaire se retrouve rapidement face à un ordinateur, coiffée d’un casque dans lequel se succèdent les réclamations. Il apparaît illico que les indications du manuel, corroborées par un chef de service, par ailleurs plutôt bienveillant, incitent l’opératrice à éviter par tous les moyens une résiliation, considérée comme LA faute grave.

La tension inhérente aux objectifs de résultats, l’irritation, jusqu’à la grossièreté voire la détresse des clients, érodent la fraîcheur enthousiaste de l’adolescente. Celle-ci ébauche une révolte lorsqu’elle découvre sa première fiche de paye. Mais la compassion impuissante de son responsable, la froideur de son référent, pour lequel la réputation du lycée supplante le bien être de l’élève, l’indifférence aphasique de ses parents, visiblement soulagés que l’autonomie financière de leur fille allège l’économie du foyer, entraînent Kim dans une spirale dépressive.

Un état similaire habite Yoo-jin (Bae Doona). Au gré des procédures consécutives à un suicide, la policière taciturne, en reprise thérapeutique suite à la disparition de sa mère, flaire un accident du travail. Dans son enquête, d’autant plus difficultueuse que la mort ne suscite aucun dépôt de plainte, la jeune femme voit, à son tour, ses preuves et conclusions mises à mal par des procédures statistiques, soutenues des éléments de langage, des chantage aux sentiments ou de véritables intimidations.

C’est comme ça et on n’y peut rien. La détective découvre les stratégies insidieuses par lesquelles des puissances anonymes, représentées par des chefaillons en sur-régime, épaulés si nécessaire par des consultants, détournent les missions du service public de l’éducation.

Inspirée par un fait divers qui, en 2016, bouscula la société coréenne, July Jung développe un film dossier, brillante combinaison entre observations documentaires et investigations policières. Dans une patience méticuleuse, la scénariste-réalisatrice détricote le réseau d’arrivismes, de craintes, de passivités ou de résignations, sur lequel s’arrime un culte de l’efficace et du rentable. Le constat politique s’élargit à travers un récit à la fois vif et précis, sublimé par un art consommé du cadre, notamment dans les séquence en open-space ou lorsque Kim s’efface de l’histoire.

About Kim Sohee s’ouvre et se ferme sur une adolescente qui tente, qui chute, qui soupire puis se relève en souriant. A l’ouverture ça imprime un élan. En conclusion montent les larmes d’une saine colère. About Kim Sohee : pré-révolutionnaire, le sujet est l’objet d’un traitement, impérial de bout en bout.

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