Prisonniers de Beckett

Actualité du 01/09/2021

Acteur en stand by, Étienne (Kad Merad) accepte d’animer un atelier théâtre dans une maison d’arrêt. Passés les fouilles, les badges, les portes blindées, il se confronte à une demi douzaine de bonhommes pour lesquels la pratique théâtrale se résume à un exercice de récitation. Jeter l’éponge, bûcher les fables de La Fontaine ou viser plus haut, Étienne opte pour la dernière option et tire de sa besace Samuel Beckett. En attendant Godot, n’est-elle pas la pièce idéale pour des hommes qui le soir attendent le lendemain et le lendemain attendent le soir ?

Adapté d’un seul en scène autobiographique écrit et interprété par le suédois Jan Jönson, Un triomphe est un double récit d’apprentissage. Outre Beckett, son génie laconique, les détenus gouttent aux servitudes de l’exigence, à la tension et la joie des représentations. Étienne se frotte à une attention rugueuse avant d’être transporté et transformé par l’énergie, l’invention de ses interprètes, eux même gagnés par l’esprit de troupe.

Au fil des péripéties, Emmanuel Courcol détaille les effets de l’aventure sur le metteur en scène, les prisonniers mais aussi l’encadrement : les gardiens et la directrice (Marina Hands pétillante) très attachée au respect du règlement et totalement émoustillée par l’émulation qui traverse sa centrale.

Aux côtés de partenaires dont on ne doute un seul instant qu’il possèdent un casier judiciaire long comme le bras, Kad Merad confirme que, dans le sillage de Disparue en hiver (2014) et Comme des rois (2018), il est toujours prêt à s’extraire des divertissements calibrés. Car Un triomphe rappelle in extremis que si la pratique de l’art éclaire les détentions, la prison elle, reste une prison.

 

Interview de Emmanuel Courcol et David Ayala (Patrick un détenu) réalisée lors de l’avant première avignonnaise en juillet dernier.

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