Ressources humaines version Wilder

Actualité du 10/08/2024

 

Déguisée en gamine, une coiffeuse désargentée trouve asile dans une académie militaire (Uniformes et jupons courts 1942). Dans l’espoir de lui caser un refrain, un garagiste, chansonnier à ses heures, abandonne son épouse à un chanteur à succès (Embrasse-moi idiot 1964). Sa famille en vacances, un new-yorkais attire chez lui une jolie inconnue (Sept ans de réflexion 1955).

Autoproclamé Homme à 60 % parfait, Billy Wilder (1906-2002) maîtrisait mieux que personne l’art de traiter le scabreux dans la plus féroce des élégances. A ce titre La Garçonnière (1960), relève de l’exemplaire.

Dans l’espoir d’une promotion, Calvin Clifford Baxter (Jack Lemmon) modeste employé dans une compagnie d’assurance, confie son appartement à des supérieurs en mal de galipettes. Outre la réprobation de son voisinage, ces colocations à répétition mettent le bonhomme dans la rue, en proie à la bronchite, aux frontières du vagabondage.

Pour ses loyaux services, C. C. décroche enfin un bureau à lui. Mais il déchante lorsque son bienfaiteur hiérarchique (Fred MacMurray) le sollicite à nouveau, en vue d'un cinq à sept en compagnie de Fran (Shirley MacLaine), la liftière qui, depuis des mois, occupe ses pensées.

 

The Appartment constitue la quintessence de la Wilder’s comedy. Né au cœur de la Mitteleuropa, déraciné pour fuir la barbarie nazie, Samuel Wilder-Baldinger était un romantique contrarié. Mais, étranger au cynisme acrimonieux et à l’instar de son mentor Ernst Lubitsch (1892-1947), le réalisateur professa un romanesque railleur, révélateur d'une sarcastique philanthropie.

Chantage, harcèlement, carotte, bâton, promotion canapé.., épaulé par son co-scénariste I.A.L. Diamond (1920-1988), Wilder, dans une balance idéale entre drame et satire, dissèque les travers des politiques managériales. La direction artistique donne le ton. Décorateur des Enfants du Paradis (Marcel Carné 1943), Alexandre Trauner (1906-1993) transforme un environnement professionnel en topographie kafkaïenne où les individus se diluent dans les espaces partagés. Plus de 60 ans plus tard, voilà qui reste d’une criante actualité.

Véritable double du réalisateur avec lequel il tournera à dix reprises, Jack Lemmon incarne un quidam qui joue le jeu sans en maîtriser toutes les règles. Pétrie d’un naïf arrivisme, Shirley MacLaine campe à ses côtés le plus délicieux des alter égos.

Le duo se reformera quatre ans plus tard à l’occasion de Irma la douce. Au cœur du quartier des Halles reconstitué par Trauner dans les studios de la United Artists, un agent de la circulation se reconvertit dans un placide proxénétisme. Du pur Billy Wilder.

La Garçonnière restaurée et rééditée, actuellement dans les cinémas.

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