Avec son nouveau film, Stéphane Brizé renoue avec une veine sentimentale quelque peu occultée par La Loi du marché (2015), En guerre (2018), Un autre monde (2021), trilogie axée sur les brutalités sociales propres aux gouvernances libérales. Hors saison se range aux côtés de Je ne suis pas là pour être aimé (2005), Mademoiselle Chambon (2009), Une vie (2016), dans lesquels l’emprise des sentiments se heurte aux contingences du quotidien.
Vedette du cinéma, Mathieu (Guillaume Canet) déserte les répétitions d’une pièce censée marquer ses débuts au théâtre. Cette abandon plonge l’acteur dans un état dépressif qu’il espère conjurer, l’espace d’un séjour hivernal dans un institut de balnéothérapie. Sur place, il suit les soins et satisfait aux demandes selfies dans une aimable aboulie.
Via son portable, alors que son metteur en scène lâché en rase campagne (voix de Stéphane Brizé) tente de le récupérer en accablant sa mauvaise conscience, sa compagne, star du journal télévisé (voix de Marie Drucker, par ailleurs coscénariste du film), lui conseille de dédommager tout le monde et de se renflouer en quelques tournages. Un message, pourtant, fracture sa morosité. Domiciliée à proximité, Marie (Alba Rohrwacher) lui demande de la rappeler. Il y a quinze ans, Mathieu et Alice se sont aimés, puis séparés.
Sourire mécanique, moue indécise, joie et embarras, admirable regardeur d’acteurs, Stéphane Brizé filme à sa main ces retrouvailles entre une célébrité neurasthénique et une musicienne prometteuse, désormais prof de piano, épouse de conseiller municipal.
Cependant, le réalisateur prend le contre-pied de Mathieu et s’extirpe de sa zone de confort. L’installation et les premiers jours dans cet hôtel aux allures de paquebot fantôme, relèvent d’un burlesque sonore digne de Mon Oncle (Jacques Tati 1958). Évoqués plus haut, les échanges téléphoniques sacrifient se restituent in-extenso. Toujours au smartphone, la confession d’une amie d’Alice qui, pendant une bonne partie de son existence passa à côté de sa vie, touche au climax émotionnel.
Ces décalages ne vont pas sans scories. Captées au drone, les promenades au bord des falaises transforment une errance mélancolique en manifeste touristique. S'il semble ravir Mathieu, le repas de fête et ses oiseaux siffleurs exaspèrent l’intérêt.
Émotion et agacement, la parenthèse désenchantée se suit dans une attention escarpée mais n’en demeure pas moins un captivant témoignage sur un cinéaste qui creuse ses sillons tout en testant de nouvelles voies.
Dans Hors-saison le temps perdu ne se rattrape guère. Stéphane Brizé (au même titre que Guillaume Canet), continue à scruter, à chercher, sans forcément perdre son temps.
Photographies : Michael Crotto.
