Révolte de spectateur

Actualité du 15/08/2023

L’ennui au spectacle, un vaste sujet que Quentin Dupieux traite en un peu plus d’une heure (67 minutes). Yannick, le rôle titre, est veilleur de nuit à Melun. Mais ce soir, il a posé un jour de congés, enchaîné les transports en commun, pour découvrir Le Cocu, vaudeville à l’affiche d’un théâtre parisien. Hélas, face à la paresse de l’écriture et la mollesse de l’interprétation, le spectateur regrette son déplacement. Il pourrait prendre son mal en patience jusqu’à la fin du spectacle mais Yannick sort de ses gonds et de son siège pour clamer son insatisfaction.

Si par son silence, le public (clairsemé) soutient le perturbateur, les interprètes apprécient moyennement l’interruption, en particulier Paul (Pio Marmaï) qui intime au mécontent de quitter la salle. Celui-ci obtempère, pour revenir très vite, brandissant une arme à feu.

L’audience ne moufte toujours pas, moins par crainte que par curiosité car, joignant le geste à la parole, Yannick décide d’écrire une courte pièce qui, selon son échelle de valeur, sera vraiment drôle et divertissante.

Quentin Dupieux a écrit Yannick aux mesures de Raphaël Quenard. Dans le sillage de Chien de la casse de Jean-Baptiste Durand, sorti au printemps dernier, le comportement de Yannick oblique de la logorrhée charismatique vers le malaise et l’inquiétude. Du pittoresque à l’anxiogène, la seconde partie de la soirée adopte la même balance. Au gré des rebondissements, Paul, l’artiste, révèle une brutalité bien plus perverse que l’indignation pas vraiment infondée de son spectateur.

L’image la plus évocatrice du film demeure ce long plan fixe sur le visage de Yannick, dans un premier temps satisfait, émerveillé, d’entendre ses mots dans la bouche des acteurs. Mais peu à peu, ses traits se figent. Prend-il conscience qu’à l’écoute, ses phrases sonnent faux ? Les rires de l’assistance réagissent-ils à sa fantaisie ou est-ce qu'ils se gaussent de ses maladresses ? Là sont les questions.

De la salle à la scène et réciproquement, décidément il n’est jamais facile de franchir le quatrième mur.

Photographies : Atelier de Production, Chi-Fou-Mi Producteions-Quentin Dupieux.

Retour à la liste des articles