Sauvons les Tulkuns

Actualité du 17/12/2022

Achèvement ultime (pour l’époque) de la composition numérique, cheval de Troie de la projection en relief (James Cameron menaça un temps de priver de copie les cinémas non équipés pour la 3D) Avatar-version 2009 alliait le nec plus ultra technologique à un discours visionnaire qui malaxait l’épuisement de la planète Terre, la colonisation prédatrice, les mutations génétiques et l’usage du métaverse. Autant de thèmes qui, de nos jours préoccupent les esprits et, accessoirement, alimentent les industries du divertissement.

Il aura fallu 14 années à James Cameron pour livrer une suite à l’épopée de Jake Sully (Sam Worthington), marine paraplégique, revenu en pleine possession de son corps grâce au programme Avatar. A l’orée de La Voie de l’eau, nous retrouvons Sully,  Na’vis intégré sur la planète Pandora, heureux époux de Ney’tiri (Zoe Saldana) et père attentif de quatre enfants. Le conflit s’amorce lorsque les colons terriens missionnent l’avatar du colonel Quarrish (Stephen Lang) pour la capture de Sully, traître à son espèce et figure de prou de la résistance.

Du déroulé de 3h12 émergent trois parties. La première heure revient sur les personnages et les péripéties de l’épisode original. Le film prend son essor lors du second segment, succession de séquences sous marines édéniques, magnifiées par l’apparition du Tulkun, majestueux cétacé pourvu d’une intelligence qui englobe le recours au langage et une dilection pour la musique et la philosophie. Le volet se clôt sur une séquence de chasse appelée à figurer dans les anthologie du grand spectacle.

Le dernier tiers sacrifie à une démultiplication de poursuites et affrontements dans les entrailles ou sur la coque d’un navire en plein naufrage.

Jonas, Moby Dick.., La Voie de l’eau glisse ces références universelles dans un glossaire James Cameron. Le démiurge inventorie ses récurrences : la fascination du désastre (Titanic 1997, l’ouverture d’Abyss 1989), sa fascination des carnages et des armes à feu (Terminator I et II 1984-1991,  Aliens 1986), ses utopies aquatiques selon lesquelles l’océan constitue un inépuisable liquide amniotique.

A l’évidence Cameron a mis à profit ce long intervalle pour développer des logiciels inédits, susceptibles de restituer les fonds marins jusqu’à leur moindre ondulation. Il n’en va pas de même pour une trame, accumulation de références et d’auto-citations.  A défaut d’anticipations édifiantes, l’entreprise de recyclage se transcende dans une imagerie prodigieuse, pour se clore sur une apologie assumée de la sacro-sainte famille américaine, guidée par un patriarche éclairé, avec à ses côtés une épouse dévouée et une progéniture écrasée d’admiration.

A cet égard La Voie de l’eau rejoint Top Gun Maverick, épopée supersonique, pilotée elle aussi par un militaire, va-t-en guerre déterminé mais toujours avec élégance. Après le triomphe public de Tom Cruise dans cette séquelle à l’ancienne, il sera intéressant de suivre la carrière de cet Avatar II qui adhère sans vergogne aux grands spectacles hollywoodiens, pétris de valeurs traditionnelles, résolument hétéronormées. Quoiqu’il en soit les Tulkuns sont impériaux. Et tellement trognons.

 

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