Sous l’œil de Wellington

Actualité du 17/05/2022

En 1961, le portrait du Duc de Wellington, réalisé en 1814 par le maître espagnol Francisco Goya, fut dérobé au cœur de la prestigieuse National Gallery de Londres. Quatre années plus tard le tableau fut restitué par un certain Kemton Bunton, immédiatement inculpé de vol et recel d’œuvre d’art. Point de divulgachage dans ce résumé, puisque The Duke s’entame sur l’ouverture du procès.

Produire des films absolument enracinés dans le sol de ce pays, telle fut la déclaration d’intention du producteur Michael Balcon lorsqu’en 1938, il prit les rênes des studios Ealing. Dans l’Angleterre de l’après guerre, la firme londonienne connut d’appréciables succès grâce à des tranches d’humour noir : Noblesse oblige (Robert Hamer 1949), Tueurs de dames (Alexandre Mackendrick 1955) ou des fables philosophiques :L’homme au complet blanc. Réalisé en 1951 par le même Mackendrick, ce dernier titre s'attache à un ingénieur (Alec Guinness), salarié d’une usine textile. Suite à la mise au point d’une fibre inusable, le technicien s’attire les foudres de son employeur car la demande s’effondre et des syndicats car le chômage menace.

Le même alliage de fantaisie et de conscience sociale imprime The Duke. Le nouveau et dernier film de Roger Michell (1956-2021) repose sur un dosage exemplaire d’observation documentaire (les retraités sous pensionnés en quête d’expédients), de chronique intimiste (Kempton et son épouse terrassés par un deuil) et de déterminisme excentrique (le vol est commis en protestation contre la redevance télévisuelle).

A cette subtile concoction s’ajoute une interprétation typically british (traduire de haut vol). Oscarisée pour The Queen (Stephen Frears 2006), Helen Mirren s’est refagotée la silhouette d’Elisabeth II pour gratter l’âtre d’une cheminée ou d'une cuvette sanitaire. Second rôle auprès de Bridget Jones ou d’Harry Potter, interprète fidèle de Mike Leigh, en particulier dans Another Year où il est admirable de discrétion attentive, Jim Broadbent rayonne à travers la pudeur truculente de ce chauffeur de taxi, dramaturge à ses heures, chapardeur d’occasion.

Sans céder à la nostalgie facile (les quartiers populaires de Newcastle semblent empruntés aux souvenirs d’enfance de Bill Douglas, 1934-1991), The Duke émeut et amuse jusqu’à son épilogue qui confirme l’antienne de Kempton Bunton, pour lequel l’humanité est définitivement un projet collectif.

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