Sous les jupes des filles

Actualité du 25/08/2024

 

Début des années 90, un lycée d’excellence au nord de l’Inde. Ce matin, Mira (Preeti Panigrahi) est nommée préfète de sa promotion. Étudiante accomplie, l’adolescente affiche une prééminence placide : pour la première fois le titre est attribué à une fille.

Dans une rigueur tranquille, Mira cumule les études et ses devoirs d’intermédiaire entre les élèves et la proviseure, très tatillonne sur la longueur des jupes qui permet de gravir les escaliers sans attiser le regard des garçons.

L’arrivée de Srinivas (Kesav Binoy Kiron) bouscule néanmoins l’organisation et les émotions. Mira s’éprend de ce transfuge dissipé, charmeur, passionné d’astronomie. A l’approche des examens, Anila (Preeti Panigrahi) survient et s’installe avec sa fille.

Pour Girls will be girls, son premier long-métrage, Shuchi Talati, féminise Boys will be boys, équivalent anglophone de notre adage Il faut que jeunesse se passe. Le sourire discret et satisfait de Mira résonne avec la suave sobriété de la mise en scène. L’absence de musique, la palette ouatée, l’utilisation de l’anglais (langue visiblement plus aristocratique que les dialectes officiels), enveloppent d’un halo victorien le quotidien de l’école, les frasques et les émois des jeunes gens.

A l’écart des ruptures de ton, le récit gagne toutefois en intensité dans sa seconde moitié.

Réunir pour mieux contrôler. Lorsqu’elle découvre le flirt entre Mira et Sri, Anila invite ce dernier à réviser puis a séjourner dans son habitation. Une tension s’immisce entre la jeune mère (38 ans selon le dossier de presse) et son adolescente qui découvre une rivale inédite. Shuchi Talati décortique cette étrange cohabitation, au cours de laquelle l’éveil de la sexualité se confronte au réveil d’une sensualité. Désir et fatalité, à l’instar du roman entamé par Anila, se dessine le destin de femmes, d’abord convoitées, recluses puis réduites au fonctions et frustrations de mère au foyer.

Signe hautement particulier : le huis-clos aux frontières du scabreux, se pare d’une aura rohmérienne. Au même titre que les Contes Moraux et autres Comédies et proverbes, filmés par Eric Rhomer (1920-2010), chaque protagoniste justifie, verbalise sa conduite, ses intentions et ses élans les plus profonds. Cette clairvoyance littéraire distingue et renforce Girls will be girls,  éducation sentimentale restituée dans une subtile élégance, servie par une impeccable distribution.

Photographies : Nour Films.

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