2068, quelque part en Chine. L’humanité a sacrifié ses rêves sur l’autel de l’immortalité. Seuls quelques réfractaires : les rêvoleurs, persistent à se perdre dans leur imaginaire.
Voilà ce qui nous est posé à l’ouverture de Résurrection.
Le récit s’amorce et se boucle le 31 janvier 1999. Du lever au baisser de rideau, se prolonge une expédition dans les chimères d'un rebelle. Interprété par Jackson Yee (star du box office chinois, sensible aux projets auteurisants), le dissident arpente cinq univers, chacun corrélé à l’un des cinq sens, L’itinéraire se double d’un voyage à travers les méandres du XXème siècle et de l’histoire du cinéma (officiellement inventé en 1895).
La rêverie s’engage aux temps où les films ne parlaient pas. Ainsi, les images s’entremêlent, se superposent, dans les vestiges des cathédrales visuelles édifiées par les pionniers, tels Abel Gance (1889-1981) ou Sergueï M. Eisenstein (1898-1948). Par la suite, telles des caméléons, les formes persistent à se fondre dans les évolutions.
Du génie malfaisant (le Docteur Fu Manchu) au maffieux ignare, le film criminel demeure le fil conducteur d’une expédition où l’on s’égare dans une galerie des glaces, façon La Dame de Shangaï (Orson Welles 1947) ; où l’on trimballe une valise mystérieuse, confer En quatrième vitesse (Robert Aldrich 1955).
Par sa créativité visuelle et son brio technique, le réalisateur affiche une persévérance inépuisable. Les segments où le rêvoleur s’interroge sur l’esprit d’amertume, puis s’associe à une adolescente adepte du mentaliste olfactif, témoignent, par ailleurs, que le styliste visualiste s’avère tout aussi capable de ciseler de simples séquences en champ-contrechamp.
Omniprésence de l’eau : ses gouffres, ses étangs, ses résurgences, ses reflets.., l’excursion se clôt sur les rives d’un fleuve, lieu de départ éventuel d’une nouvelle aventure. Auparavant nous aurons déambulé dans les assommoirs pittoresques ou les anfractuosités dangereuses d’un faubourg portuaire. L’escapade finale s’effectue au fil d’un plan séquence de 35 minutes. La figure de style porte la griffe de Bi Gan, au même titre que l’archéologie du passé, moteur dramatique de Kaili Blues (2015) et Un grand voyage vers la nuit (2018), ses titres précédents.
Certes, au sein de cette pyramide mémorielle, l’on s’égare parfois dans les conversations métaphysiques. Bien sûr, de l’empire féodal à l’emprise oligarchique, les allusions à l’Histoire de la Chine, éludent Mao Tsé-toung (1893-1976) et sa Révolution culturelle. Mais force est de reconnaître que l’on reste à la fois confondu et subjugué par la mélancolie baroque de ce démiurge trentenaire, à l’origine d’un poème grandiose, d’un requiem prodigieux, doublé d’une apologie de la renaissance.
Rêvolute. Résurrection, Révolution.
Photographies : Les Films du Losange