Un dimanche à la plage

Actualité du 04/11/2025

 

Pourquoi Meursault a-t-il vidé le chargeur d’un revolver sur un homme qui tenait un couteau, sans pour autant menacer sa sécurité ?

François Ozon livre sa réponse à l’énigme qui habite L’Étranger, premier roman publié en 1942, par Albert Camus (1913-1960).

Le réalisateur étaie son hypothèse par l’entremise des caractères qui gravitent autour du trentenaire taciturne. Marie Cardonna (Rebecca Marder) prend, à cet effet, une envergure inédite. La jeune femme aborde, s’offre à Meursault qui la reçoit et, un peu plus tard, accepte de convoler, plus par sollicitude que réel enthousiasme.

Celui-ci écoute encore les imprécations du vieux Salamano (Denis Lavant) qui maltraite son chien. Il ne dédaigne en rien la compagnie de Raymond Sintès (Pierre Lottin) qui bat ses compagnes. Le solitaire laconique va jusqu’à prêter son écriture à ce proxénète brutal, raciste, hermétique à tout scrupule.

Malgré les réticences de Marie, le couple accepte le dimanche à la plage que leur propose le voyou gouailleur. L’égarement adviendra lors de ce moment d’agrément.

La représentation de l’acte irrémédiable tient d’un double éblouissement. Le premier, tel qu’il est décrit dans le livre, provient du reflet d’un rayon de soleil dans la lame du couteau. Un éclat, un éclair qui brouillent le regard de Meursault. Plus subjectif, le second s’apparente à une tentation, une pulsion, une fulgurance qui débordent les digues intérieures d’un homme claquemuré dans le contrôle et la mise à distance.

François Ozon développe son exégèse, au coeur d’une capitale algérienne à l’aube des années 40. La reconstitution d’époque adopte une ligne claire monochrome,. Allié à la photogénie exacerbée de Benjamin Voisin, le parti pris, à l’écran, se détourne de l’épure camusienne pour se rapprocher d’une publicité pour parfum de luxe.

L’adaptation se glisse entre J’ai tué un arabe, la réplique d’ouverture et Killing an arab. La chanson composée par Robert Smith pour son groupe The Cure, accompagne le générique de fin. Au terme du procès, le bref échange entre Marie et Djemila (Hajar Bouzaoult), la sœur de la victime, participent à l’expression d’une domination coloniale, en filigrane dans le roman.

La confrontation finale avec l’homme d’église reste très théorique et théâtrale. Preuve sans doute, que le réalisateur considère ce monument littéraire, si facile dans son accès et si mystérieux dans sa compréhension, en priorité comme une anatomie du désir chez un être extérieur au monde et à lui-même, doublé du portrait d’un bel indifférent.

Photographies : Carole Bethuel, Foz, Gaumont, France 2 Cinéma.

Retour à la liste des articles