Le fossoyeur la couturière et l'écolier

Actualité du 16/04/2025

 

Un bulletin diffusé sur la chaîne d’information Channel 4, annonce la mort d’un leader terroriste, frappé par un drone alors qu’il circulait dans sud de la Somalie. Sur place, au bord d’une piste abrasée par le vent, Mamargade (Ahmed Ali Farah) attend la dépouille appelée à reposer dans la fosse qu’il vient de creuser. Dans le ciel, les objets volants poursuivent leur funeste ballet.

Séquence suivante, Araweelo (Anab Ahmed Ibrahim) subtilise une machine à coudre qu’elle ramène chez elle. Dans sa classe, Cigaal (Ahmed Mahamud Saleban) attend son instituteur qui ne viendra pas. Le fossoyeur, la couturière, l'écolier partagent le même logis et constituent le noyau central du Village aux portes du paradis.

Natif de Mogadiscio, capitale de la Somalie, Mo Harawe étudie le cinéma à l’université Kunsthochschule Kassel, en Allemagne. Il réintègre sa terre natale pour ce premier long-métrage, chronique d’un foyer dont les relations se révèlent au fil des évènements.

Ainsi, la directrice annonce à Mamargade que, désertée par ses enseignants, qui restent chez eux par crainte des drones, l’école est contrainte de fermer. Cependant, Cigaal, très bon élève, peut, grâce à sa recommandation, poursuivre ses classes dans un pensionnat privé. De son côté, Araweelo entreprend d’ouvrir une boutique de couture. Mais les banques ne prêtent qu’aux femmes mariées.

Il y a des coins fabuleux en Somalie, avec de splendides plages sauvages. Dans ce village au bord de la mer, on a l’impression qu’on est « aux portes du paradis ».

Mo Harawe justifie ainsi le titre du film et ses options de mise en scène. Mariage blanc, mule pour trafiquants, apprentissage d'une autre langue.., Le village aux portes du paradis détaille la course d’obstacle de la femme, de l’homme et de l’enfant, en un enchaînement de tableaux scrupuleusement dessinés et coloriés.

Le raffinement esthétique évoque Le Vent (1982), La Lumière (1987), fresques majestueuses signées Souleymane Cissé, maître sénégalais décédé en février 2025. Mais plus encore (et plus au Nord), l’on songe aux poèmes visuels du finlandais Aki Kaurismaki. Au même titre que l’auteur des Feuilles mortes (2023), Mo Harawe, dans une épure stylisée, portraiture une communauté qui, malgré la précarité endémique, cultive une fierté laconique et une pragmatique fraternité.

Dans ce Village aux portes du paradis, l’on se gruge, l’on s’entraide, l’on se houspille, l’on se comprend. L'on trafique, l'on transporte ; et l’on s’esquive sur l’esquisse d’un sourire. Décidément Mo Harawe fabrique de bien belles images, peuplées d'une éclatante humanité.

Photographies : Jout2fête distribution.

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