Un navire dans le jardin

Actualité du 23/02/2025

 

Lorsque je les ai vus se lancer dans cette construction, j’étais un peu excité car c’est excitant un bateau. Mais mon père n’était pas un marin et ma mère préférait la montagne.

Ce souvenir d’enfance, Jean-François Laguionie l’a couché dans un livre (Un bateau dans le jardin) publié en 2022 aux éditions Maurice Nadeau. Trois ans plus tard, le même sujet constitue l’armature de Slocum et moi.

Pour son septième long-métrage d’animation, le réalisateur formé par Paul Grimault (1905-1994), l’auteur de l’incontournable Roi et l’Oiseau (1980), renoue avec les techniques et les thématiques de ses débuts.

Les rapports de couple sous fond d’épopée maritime irriguent déjà La Traversée de l’Atlantique à la rame (1979), court-métrage récompensé au Festival de Cannes puis par l’académie des Césars. Ces motifs se travaillent à nouveau dans Slocum et moi.

Années 50, François, le narrateur (voix de Elias Hauter), vit une enfance paisible dans un pavillon de banlieue en bord de Marne. Lorsqu’il n’accompagne pas sa mère (Coralie Zahonero) frémir aux exploits de Gary Cooper au cinéma, le gamin dévore les récits de navigation qui composent la bibliothèque du père (Grégory Gadebois). Chaque fin de journée, ce dernier troque son costume de VRP contre une salopette de travailleur du bois.

Lorsqu’il découvre les préparatifs d'une construction navale, François se pique de curiosité, farfouille sur le bureau du pater et découvre des plans et les récits de Joshua Slocum (1844-1909), premier navigateur à boucler en 1899, un tour du monde en solitaire sur un voilier de sa fabrication.

Pour ce nouvel opus, Jean-François Laguionie revient aux techniques abandonnées depuis La Traversée de l’Atlantique.. . La ligne claire du dessin, la délicatesse du pinceau, traduisent l’harmonie taiseuse qui enveloppe cette famille où la communication passe par l’esquisse d’un geste, un regard furtif, voire l’entreprise d’un projet babylonien.

Le chantier et ses péripéties juxtaposent l'obstination tranquille d’un homme aux idéaux empêchés, l’attachement d’une femme ravie de partager les utopies de son époux et la circonspection d’un ado, habité d'une perplexe admiration.

Les paysages impressionnistes et plus particulièrement les marines en eaux douces chères à Claude Monet (1840-1926), imprègnent cette chronique édificatrice au fil de laquelle les rêveries de la construction prévalent sur les péripéties de la navigation.

A 85 ans, Jean-François Laguionie nous confie, non un album-photo mais un carnet de peintures animées, teinté d’une pudique mélancolie et d’une infinie élégance.

Article écrit en référence à l’interview de Jean-François Laguionie, publiée dans le magazine Positif N°768, février 2025.

Photographies : Gebeka Films.

 

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