Le Caire confidentiel, La Conspiration du Caire, la permanence d’inspiration peut surprendre de la part d’un réalisateur né à Stockholm d’une mère suédoise et d’un père égyptien. Tarik Saleh vécut par intermittence dans la patrie paternelle mais suffisamment pour s’ouvrir à l’islam, côtoyer le radicalisme avant d’opter pour une pratique plus modérée.
Rien d’étonnant donc à ce que La Conspiration du Caire circonscrive son action à l’intérieur d’Al-Azhar, l’université religieuse de la capitale égyptienne. Le film s’ouvre au moment où Adam (Tawfeek Barthom interdit, insondable) reçoit sa lettre d’admission synonyme d’émancipation et d’ascension sociales. Dans la place, le fils de pêcheur prend ses marques. Mais le décès prématuré du vénérable directeur perturbe son intégration. Quelques temps après, le transfuge est témoin d’une sauvage mise à mort dans la cour de l’établissement.
Au sein des luttes d’influences qui précèdent la nomination d’un nouveau timonier, Adam devient la taupe d’un agent du gouvernement, attentif à la désignation d’un religieux bien disposé à l’égard du pouvoir en place.
Réalisé en 2017, Le Caire confidentiel se situe peu avant le 25 janvier 2011, date des premières manifestations sur la place Tahir, à l’origine la destitution du président Moubarak. La guerre ouverte entre son second successeur : le Maréchal Al Sissi et les Frères musulmans constitue le nœud dramatique de La Conspiration du Caire.
Enseignement à géométrie variable (de l’intégrisme assumé à une spiritualité plus ou moins pragmatique), congrégation étudiante adepte de pratiques claniques des plus coercitives, la description des cursus académiques et autres courants opaques qui innervent l’institution repose sur une base, de toute évidence, bien documentée.
Mais le film puise sa singularité et une large partie de son charme dans la manière dont Tarik Saleh parsème un récit solidement étayé de personnages iconoclastes : l’iman aveugle et indigné, son collègue accro à la junk food, le ministre vieille canaille clairvoyante. Et comment oublier le Colonel Ibrahim (formidable Fares Fares), barbouze à la fois matois et menaçant, clone lointain du lieutenant Colombo,
La Conspiration du Caire fourmille de caractères souvent glauques toujours pittoresques comme il s’en dénichait des palanquées dans les bandes d’espionnage tournées à la chaîne, des fifties au seventies, âges glorieux du cinéma bis, aux USA, en Europe et sans doute en Égypte dans les studios de Hollywood sur Nil.
État des lieux, suspense politique, caractères rocambolesques, avec La Conspiration du Caire, Tarik Saleh approfondit sa quête des racines et confirme son attachement au récit d’apprentissage, doublé d’un goût pour les péripéties à la fois dangereuses et romanesques propres aux films populaires.
Source de l’article : Journal Le Monde du 28 octobre 2022.