Vampire pavillonnaire

Actualité du 07/06/2024

La Nuée (2020), Titane (2021), Les Cinq diables (2022) Le Règne animal (2023), Vincent doit mourir (2023).., les dernières années ont vu éclore une école fantastique française. Largement paritaire, la pépinière réunit des talents qui assimilent leurs références dans des productions où la singularité occulte la simple reproduction.

La thématique et la situation de départ de En attendant la nuit : l’installation d’une famille dans une vallée montagneuse, ne sont pas sans coïncidence avec Le Règne animal, (trop proche pour évoquer une vampirisation). Les Féral aménagent dans une cité pavillonnaire arborée. Le père (Jean-Charles Clichet sympa comme à son habitude) est VRP, la mère (Élodie Bouchez frémissante comme toujours) infirmière. Le couple a deux enfants : Lucie (Laly Mercier) benjamine débonnaire, complice de Philémon, son aînée plus ombrageux (Mathias Legoût-Hammond).

Préoccupation prioritaire : se fondre dans un voisinage où les pelouses sont interdites sauf pour les invités. Car dès la séquence d’ouverture, s’impose la certitude que les transfuges sortent de l'ordinaire.

Céline Rouzet distord les codes d’un genre. En attendant la nuit est un film de vampire sans fantasmagorie, ni prédateurs, ni folklore sulpicien. Là, point de famille dysfonctionnelle mais un clan soudé autour de la protection du fils, allergique à l’éclat du soleil, anallergique au plasma sanguin.

Ici c’est chez moi!  Plastronne un ado qui sent que Camila (Céleste Brunnquell rayonnante une fois encore) se soucie un peu trop du rétif inconnu. L’hostilité, voire le danger émanent d’un microcosme où l’on se scrute, se jauge, se surveille à l’aune de critères propres aux propriétaires IKEA. Le choix des années 90, époque où les rumeurs, la médisance ignoraient la fulgurance des réseaux sociaux, renforce la coercition furtive de la conformité.

Analogies, analogies.., l’on songe aux succubes essorés de Only Lovers Left Alive (Jim Jarmusch 2013) la nonchalance en moins ; ou Edward aux mains d’argent (1990), sans la poésie baroque de Tim Burton. Céline Rouzet trace sa route, En attendant la nuit malmène la différence hors des ethnies, des confessions et des épidermes.

Mais les braves gens n’aiment pas que l’on suivent une autre route qu’eux, fredonne Georges Brassens. Ce film d’angoisse sociétale démontre que sa réalisatrice connaît la chanson.

Photographies : Tandem distribution.

 

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