Les Petits Riens sont ces choses infimes qui, l’air de rien, révèlent des montagnes autour de nous. Ce sont ces actes minuscules qui au départ, invisibles à l’œil nu, enfoncent des poutres dans nos yeux.
Pascale Marthine Tayou justifie ainsi le titre de l’exposition qui occupe les deux niveaux de l’hôtel de Montfaucon, l’une des deux ailes de la Collection Lambert.
L’artiste camerounais croisa Avignon, en 2014, lors de la mémorable Disparition des lucioles, pour laquelle des figurines en cristal furent disposées à l’intérieur d’une cellule de l’ancienne prison Sainte-Anne. Des santons en verre, on les retrouve cette année, mais sous forme de Poupées Pascale, effigies sulpiciennes alignées, en un impressionnant calvaire d'un bout à l'autre d'un long couloir.
Cet alignement à la causticité bigarrée, constitue l’une des dix œuvres monumentales, réalisées pour Les Petits Riens.
Sachets, bouteilles en plastique, fragments de tôles ondulées, chaises rapiécées.., l’artiste hisse haut la récupération, jusqu’au plafond de certains espaces, desquels émerge une futaie multicolore ou un ciel arc-en-ciel.
L’esprit d'escalier dialogue avec le dédale du bâtiment. Le labyrinthe est récurrent, constitué par des cannes de marche ou une procession de drapeaux nationaux, qui dessine un itinéraire inextricable, à travers frontières et continents.
Balisé par les maillons d’une chaîne d’amarrage, le parcours aborde la colonisation, le religieux, la misère, les migrations, symbolisés par des assemblages où, souvent, l’indignation se pare d’une sulfureuse élégance.
Car Pascale Marthine Tayou cultive une colère facétieuse, comme en témoignent ces discrètes comptines (dont l’inévitable Sur le pont d’Avignon) ou ces œuvres accrochées dans des espaces frustrés, comprendre des angles morts, qui jalonnent la visite.
L’ironie foncière et les jeux de langage épicent ce dialogue improbable entre une forêt de canne à sucre et un domino (ou sucre) qui garantit, depuis des lustres, les connections électriques.
Et que dire du e que l’artiste ajoute à la fin de son nom et son prénom, histoire de brouiller les notions de masculinité et patriarcat ?
Nous irons pétrir la fange pour sculpter une nouvelle mappemonde à partager.
La phrase résume avec justesse ces Petits Riens, auxquels Pascale Marthine Tayou insuffle une réjouissante noblesse.
Plus de commentaires en compagnie de l'artiste.
Petits Riens-Pascale Marthine Tayou
Jusqu'au 19 novembre 2023
L’été à la Collection Lambert :
Eva Jospin Contre-monde (photo): Jusqu’au 17 septembre
La peinture est morte, vive la peinture ! Chefs-d’œuvre de la peinture dans la Donation Yvon Lambert (photo) : Jusqu’au 15 octobre.
Article et interview de Stéphane Ibars, curateur de l'accrochage c'est par ici:
Les grands partenariats de l’été
Louise Lawler : jusqu’au 15 octobre 2023
Grand Arles Express (Les Rencontres de la Photographie)
Don exceptionnel
Sean Scully : jusqu’au 15 octobre
Arles Nacht Vincent, don de l’artiste à la Collection Lambert
Collection Lambert, 5 rue Violette, Avignon
11-18H, du mardi au dimanche
04 90 16 56 14
Plus d’informations sur: https://collectionlambert.com/