Florilège Avignon Off part 2

MARYVONNE

C'est un dialogue entre une jeune femme et une image, entre une petite fille (Camille) sur le plateau et Maryvonne, sa grand mère à l'écran. La caméra devient le modérateur des retrouvailles entre deux êtres qui s'étaient perdus de vue. Ou qui ne s'étaient jamais réellement parlés. De toute évidence l'aïeule est une taiseuse pas vraiment à son aise mais plutôt intriguée par l'expérience. A mots couverts une liaison finit par s'établir à travers les livres dont Maryvonne accepte de lire des extraits. Peu à peu sous l'effet de Georges Bernanos,  Céline et Julie de Lespinasse, l'écorce se fend, les secrets s'éclaircissent. Camille Berthelot, Alma Livert son interprète livrent une bulle expérimentale, surprenante de pudeur et de délicatesse.

Maryvonne: 13H05, Le Train Bleu, jusqu'au 27 juillet.

  LA FÊTE DES ROSES

On l'a vue arpenter les espaces prestigieux de Festival d'Avignon sous la direction de Yann-Joël Colin (Henry IV 1999), Eric Lacascade (Ivanov 2000), Jean-François Sivadier (Le Roi Lear 2007), Nora Krief affectionne également le solo, le tour de chant: Les sonnets de Shakespeare 2001, Al-Aatlal, chant pour ma mère 2019. 

Cette année l'actrice revient, flanquée d'un bassiste percussif (Dayan Korolic) et d'un flûtiste-chanteur (Rishab Prasanna). Du haut de son tréteau, en fourrure et talons dorés, la bateleuse restitue la passion contrariée entre Achille le héros grec et Penthésilée la reine des amazones. Au départ amusée et distante vis à vis de la guerrière, la conteuse s'attache à la femme dont la passion passe sous l'éteignoir des rites et des traditions. Lorsque s'amorce La Fête des roses, le temps n'est plus à la faconde mais à l'empathie pour des destins brisés par les dogmes et la barbarie. Triste et sauvage, une belle histoire.

La fêtes des roses: 13H30, 11 Théâtre, jusqu'au 29 juillet (relâche le 26).

TRUFFAUT-CORRESPONDANCE

Cinéaste réputé, François Truffaut (1932-1984) fut un prolifique épistolier. Truffaut-Correspondance livre une esquisse d’autobiographie à travers une sélection de missives. Accompagné par Antoine Ouvrard qui pianote les mélodies de Georges Delerue ou Cyrus Bassiak, David Nathanson interprète des lettres, suite d’adresses à des amis, collaborateurs ou anonymes.

Écartant la correspondance amoureuse, la sélection aborde une enfance maltraitée, puis l’amour filial pour André Bazin critique-écrivain, qui fut un paternel putatif et son père de cinéma. Rapport père fils encore vis à vis de Jean-Pierre Léaud, alter égo à l’écran et au quotidien, filleul de tous les instants.

Diction de baryton-basse, David Nathanson donne corps à ces courriers, rédigés dans un style agile et plein d’esprit. Au delà de l’homme et de l’artiste, Truffaut-Correspondance reflète un art de vivre qui donne du temps à la réflexion et de l’espace à l’expression. François Truffaut est mort jeune (52 ans), qu’aurait-il pianoté sur ses mails et SMS ?

Truffaut-Correspondance : 14H20, Théâtre Transversal, jusqu’au 26 juillet.

Article intégral: https://www.michel-flandrin.fr/festival-d-avignon-2022/festival-d-avignon-2022-off/signe-francois.htm

LE FACTEUR CHEVAL OU LE REVE D'UN FOU

Joué le matin à 11H, sous le cèdre du jardin Saint Claire, Le Facteur Cheval ou le rêve d’un fou affronte l’été avignonnais, entre montées caniculaires et rafales de Mistral. Le plein air en plein jour relève de la volonté du metteur en scène Alain Leempoel, désireux de confronter acteurs (et spectateurs) à l’âpreté de l’écosystème provençal. Moustache, képi, redingote, sacoche en bandoulière, Elliot Jenicot, impeccable, infatigable, incarne ce fonctionnaire taciturne qui, suite à un chute, tomba en amour pour des galets avec lesquels il érigea sa bâtisse mirifique.

L’homme se jette à corps perdu dans les maçonneries du palais, puis de son tombeau. La fuite en avant se concrétise par l’érection d’un échafaudage en branchage et bois flotté, assemblé par le plasticien Philippe Doutrelepont.

Décidément, en ce mois de juillet, personne ne ménage sa peine dans le jardin Sainte Claire.

Le Facteur Cheval ou le rêve d’un fou: 11H, Théâtre des Halles, jusqu’au 30 juillet (relâche le mercredi).

Article intégral: https://www.michel-flandrin.fr/festival-d-avignon-2022/festival-d-avignon-2022-off/la-fatigue-ou-le-manteau-de-l-ennui.htm

TIME TO TELL

Martin Palisse va et vient le long d'une piste bi-frontale. Agé de 41 ans, il est en sursis depuis 20 ans. Atteint de mucoviscidose, l'enfant s'évade dans la jonglerie. Lorsqu'il décide de suivre les cours du Centre National des Arts du cirque, il se heurte à une incompréhension teintée de condescendance. Il tiendra bon. Tout ceci l'artiste l'évoque avec des balles en équilibre, déterminé à l'image de l'homme, fragile à l'instar de sa santé. 

Les pulsions répétitives de le la musique électro-Jazz se mettent à l'unisson de la volonté intérieure d'un artiste qui lance ses balles à perdre haleine, entre la contingence de la chute et la nécessité de la vie. 
Une saisissante auto-fiction.

Time To Tell: 11H55, Manufacture-Patinoire, jusqu'au 24 juillet.

ODYSSEES 2020

Ulysse, la guerre, la mort, le retour, trois auteurs d'aujourd'hui revisitent l'Odyssée d'Homère.  Dans le sillage Des Territoires, programmé en 2021 par le Festival d'Avignon, Baptiste Amann développe une cartographie, le long d'une ligne de bus empruntée par un collégien en quête de résilience. Chez Yann Verburgh, Ulysse méconnaissable se cache dans un musée,  pour Mariette Navarro le guerrier est désormais voyageur sans escale.

Céline Dupuis, Jeanne Lazar, Maxime Le Gall, virevoltent à l'intérieur d'un vestiaire, transformé en machine à jouer. L'exigence fougueuse des adolescents bouscule l'expérience cabossée des plus grands.  C'est vif, limpide et à la fois infiniment subtil et nuancé. Le petit bijou de la mi-journée.

Odyssées 2020: 12H15, Train Bleu-salle MAIF, jusqu'au 27 juillet.

MOI KADHAFI

Un acteur d'origine antillaise accepte le rôle Moammar Kadhafi. Au fil des répétitions, l'interprète s'imprègne de ce gradé de 27 ans, proclamé chef de l'état libyen puis figure de prou du panarabisme. De Sarcelles à Tripoli, de Dakar à Port au Prince, une symbiose se dessine entre le français des colonies et ce leader qui affranchit son peuple et son pays avant de sombrer dans les excès autocratiques. Le texte de Véronique Kanor combine la chronologie de l'Histoire et les tiraillements de l'acteur. Derrière Alain Albalucci, massif et habité, le visage de Kadhafi surplombe, conquérant, boursouflé enfin tuméfié.

Décidément l'exercice du pouvoir est à la source de passionnantes ambivalences.

Moi Kadhafi:16H Théâtre des Halles, jusqu'au 30 juillet (relâche le 27)

FOZ A KAS LA

Myriam Baldus est une Ti moun. Un jour tenant la main de sa mère, la petite fille quitta la Guadeloupe pour Rillieux-la-pâpe, près de Lyon. Poétesse-slameuse, Myriam entreprend de saluer le pays de l’enfant  à travers le cahier de vie de son grand-père.

Cette odyssée de la case en taule au logement d’immeuble, recoupe l’évolution de la société guadeloupéenne, l’émergence d’une classe moyenne, du nomadisme à la sédentarisation. Foz A Kaz La relève du documentaire interdisciplinaire. Le récit de Myriam s’étoffe d’images, de musique, de chants projetés, interprétés de par et d’autre d’un écran qui englobe le cadre de scène. Des ombres se distinguent derrière les images, des silhouettes émergent de l’écran. La magie s’extirpe du réel.

En rupture bienvenue avec les lourdeurs démonstratives, Foz a Kaz La déroule une élégie captivante de la culture populaire guadeloupéenne.

Foz A Kaz La, 16H50, jusqu'au 30 juillet, Chapelle du Verbe Incarné (relâche le mercredi). 

Intégralité de l'article: https://www.michel-flandrin.fr/festival-d-avignon-2022/festival-d-avignon-2022-off/case-depart.htm

 L'AQUOIBONISTE

Le début de journée. Se réveiller sans pouvoir se lever. Rien n’échappe à Olivier, à commencer par le chagrin de la douce Anaïs qui s’affaire pour ne pas sombrer. Olivier ne bouge plus mais tout s’agite autour de lui. Au plateau l’effervescence passe par la musique, les lumières, la mise en scène.

Jean-Benoît Patricot affectionne les passions indéfectibles, les points de vue ambivalents et les états empêchés. Créé en 2016, Darius associe quête de parfum et résilience. L’aquoiboniste traverse à nouveau des zones incertaines où s’enferrent les pensées. Conteur histoires, Jean-Benoît Patricot est un redoutable narrateur qui enrobe ses obsessions dans une construction dont l’apparente simplicité dissimule quelques de culs de sac et autres fausses routes.

Immobile, tourmenté puis survolté Bertrand Skol donne corps au désarroi et la colère d’Olivier, prisonnier d’un entre deux à la fois si loin et terriblement quotidien.

L’aquoiboniste, 17H20, Episcène Théâtre, jusqu’au 30 juillet (relâche le lundi).

A l'affiche toujours à Avignon : Darius jusqu’au 30 juillet, 19H, Théâtre des 3 raisins (relâche le mardi.

Intégralité de l'article: https://www.michel-flandrin.fr/festival-d-avignon-2022/festival-d-avignon-2022-off/mort-et-bien-vivant.htm

COMPRENDRE

Comprendre relève de l’autobiographie. Suite à un accouchement difficultueux, Sonia Bester se retrouve tétanisée par des douleurs sciatiques. En quête d’explications et de soulagements, la jeune femme s’engage (jusqu’à se perdre) dans un labyrinthe peuplé de spécialistes plus ou moins conventionnés. Au fil du périple Sonia écoute un corps qui souffre, prend conscience de la fragilité et s’inquiète de l’inéluctable.

Ces données médicales et métaphysiques s’expriment au fil de polyphonies aussi harmonieuses qu’insolites. Un trio mixte (2 dames, une voix d’homme), donne consistance à une geste picaresque, inquiète et burlesque, qui vagabonde entre les confidences d’une salle d’attente, le magistère de la consultation, l’apaisement élégiaque d’une nécropole.

Élégante et mélancolique, Comprendre est une fantaisie qui se répand à travers les timbres cristallins de Flore Babled, Ava Hervier et Jean-Luc Vincent, accompagnés des sonorités onctueuses et intimes d’un piano Fender.

Comprendre mérite une consultation.

Comprendre jusqu'au 26 juillet, 17H30, La Manufacture Patinoire (relâche le mercredi).

Intégralité de l'article: https://www.michel-flandrin.fr/festival-d-avignon-2022/festival-d-avignon-2022-off/une-douleur-a-la-fesse-gauche.htm

J'APPELLE MES FRERES

Quelque part en Suède, une explosion dans un centre commercial, A proximité le portable d’Amor ne cesse de sonner. Ça vibre dans l’appareil et ça tempête sous la boîte crânienne.

Malgré l’exiguïté du plateau, un quatuor d’interprètes virevolte, de l’incarnation à l’apparition, d’un vêtement vers un micro. Panique naturelle ? fantasmagorie paranoïaque ? Véritable passage à l’acte ? J’appelle mes frères relève d’une échappée intérieure où se malaxent ressassements, remords et mal vécus.

Sans emphase ni confusion. Floriane Delahousse et ses partenaires participent à cette course éperdue, dans laquelle l’identité et la légitimité deviennent le carburant inattendu d’un suspense à perdre haleine.

La (très jeune) Compagnie du Vent contraire mérite le détour. Toutes voiles dehors.

J'appelle mes frères: 19H, Théâtre de la Porte Saint Michel, jusqu’au 30 juillet (relâche le mardi).

Intégralité de l'article: https://www.michel-flandrin.fr/festival-d-avignon-2022/festival-d-avignon-2022-off/a-perdre-haleine.htm

TOD-THEATRE D'OBJETS DECOMPOSES

Sur les hauteurs de Présence Pasteur demeure un inconnu massif, ombrageux, cerné d'un mystérieux bric à brac. Tiré de son mutisme le bonhomme tombe la manteau et demande aux visiteurx de tirer, non pas une carte mais un 33 tours microsillon. A chaque galette correspond une tranche de solitude, issue de l'imagination grinçante et délicate de Matei Visniec.

Chaque récit s'agrémente d'une manipulation de mini figurines ou d'objets, de la lampe gigogne à de simples bagues au bout des doigts. A un moment, le conteur confie son admiration pour Freaks, ode à la différence, réalisé en 1932 par Tod Browning. Le parallèle est bien trouvé. Au bout de 60 minutes, pas plus pas moins, le diseur-manipulateur nous rend à la fournaise. Le séjour valait les escaliers 

TOD-Théâtre d'Objets Décomposés: 17H, Présence Pasteur, jusqu'au 26 juillet.

LES SOUFFRANCES DE JOB

Les Souffrances de Job passent cet été du théâtre au chapiteau, planté sur l’ïle de la Barthelasse. 75 costumes, 25 marionnettes, 6 interprètes (chaque soir interchangeables) virevoltent autour de la trentaine de protagonistes imaginés par Hanokh Levin. D’inspiration biblique, le texte relate l’itinéraire d’un homme bon et généreux qui, l’espace d’une journée, perd tout, jusqu’à l’intégrité de son corps. La férocité sarcastique de Levin s’épanouit dans le monde iconoclaste de ces virtuoses du théâtre marionnettique. Par sa profondeur, son opulence formelle, Les souffrances de Job nourrissent une fable foudroyante sur le bouc émissaire, thème éternel s’il en est.

Les souffrances de Job, jusqu'au 30 juillet, 19H Îlot Chapiteaux île de la Barthelasse.

Par la même équipe: Byba Youv: jusqu'au au 30 juillet 10H30, Théâtre Transversal Avignon.

Intégralité de l'article:https://www.michel-flandrin.fr/festival-d-avignon-2022/festival-d-avignon-2022-off/job-des-humains-et-des-pantins.htm

 

LES PASSAGERS

Un bureau cloisonné de glaces et de néons, un inspecteur questionne puis interroge une femme. Elle se prénomme Amina, il s'appelle David Stern. Il est israélien, elle est palestinienne, et miraculée après être descendue d'un bus quelques minutes avant son explosion. Les passagers repose sur un dialogue emblématique d'un conflit inextinguible.

Mais par delà la tension de l'interrogatoire, s'ébauche un échange entre deux êtres finalement peu éloignés.  Axelle Mariq et Emmanuel Salinger animent cette brève rencontre, écrite par Frédéric Krivine qui combine avec dextérité l'esprit de finesse et l'art du suspense.

Les passagers: 19H30, Théâtre du Chêne Noir, jusqu'au 30 juillet (relâche le lundi)

LES DIVALALA C'EST LALAMOUR

Elles sont de retour et cette fois les Divalala chantent l'amour sous toutes les facettes, acidulée façon Voulzy, à la hussarde selon Sardou. Les voix de Gabrielle, Angélique et Marion demeurent complices au diapason et les medleys, spécialité du trio, arborent la maîtrise et la fantaisie habituelles.

Si les tubes succèdent aux standards, le trio s'aventure également dans les vestiaires de Clarika, à travers les rêves de Madame revus par Bashung ou les coquineries de Colette Renard, numérisées par Jeanne Chéral. Et il y a cette chanson de Gainsbourg, tout à coup concerné par les violences à l'égard des femmes.

Un tour de chant des Divalala c'est bien sur pétillant, mais aussi d'une solide culture musicale et à cette occasion, perlé de contrepoints délicats et mélancoliques.

C'est Lalamour:22H30, Théâtre du Roi René, jusqu'au 30 juillet (relâche lundi).

A voir également Opérapiècé, avec Aurore Bouston et Marion Lépine (1/3 des Divalala), à 18H50, Théâtre Episcène, jusqu'au 30 juillet (relâche lundi).

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