J'étais une maison je suis un mur

All of it (Tout) pourrait se sous-titrer All of me (Tout de moi). La proposition du Royal Court Theatre agrège trois monologues au féminin signés Allistair McDowall.

Dans Northleigh 1940, une femme (Katie O’Flynn) commente ses journées à travers les aires de son quotidien : de sa maison exiguë ou elle prend soin de son père, à l’abri anti-bombes, lorsque l’aviation allemande pilonne le quartier. Allié à la fluidité de l’élocution, la minutie rigoureuse de la recension, renvoie à l’école documentaire anglaise, développée dans les années 30, par le réalisateur John Grierson puis, au milieu des années 50, son extension fictionnelle vers le Free Cinéma.

A l’ouverture d’In Stereo, signe d’une ellipse, l’on retrouve le même personnage face la mire noir et blanc d’un poste de télévision. Comme le stipule son titre, le monologue se diffuse à partir de plusieurs sources sonores, qui composent la structure morcelée et confuse des voix intérieures de cet être, anéanti par la chape des habitudes.

Lors d’un bref entracte, au son d’un big-band jazz, certifié fifty, un technicien démembre le caisson, habitacle des deux premiers chapitres, et dispose un tabouret et un guéridon. Place à All of it

Mieux attifée, la même interprète s’installe et déroule, d’abord des vagissements, des onomatopées, des mots, bribes de phrases, fragments d’expressions, qui suivent le déroulé d’une vie. En l’occurrence un destin dépourvu d’aspérités, régulé jusqu’au vide existentiel.

Co-directeurs du Royal Court Theatre, Vicky Featherstone et Sam Pritchard signent un mise en scène en osmose avec le texte, rigoureux et réaliste dans son premier chapitre, introspectif et mental dans le second. Enfin pour All of it, ils concentre l'attention sur une interprète aux prise avec la sublime subtilité de sa partition.

D’abord affligée par le quotidien puis défigurée par des consciences divergentes, Kate O’Flynn est simplement impériale dans l’énumération, à la fois démentielle et pénétrante, qui clôt cette brève trilogie.

Invité d’honneur du présent Festival d’Avignon, la langue anglaise, sa concision, son tempo brillent, ici, de mille feux. Mais au delà du langage, All of it, hisse au plus haut, un british state of mind, qui combine le naturalisme et la fantasmagorie, la rigueur et l’excentricité, l’audace et la clarté.

All of it dissèque le renoncement et la mélancolie, dans une perspicacité ingénieuse et cristalline. Un texte d’une singulière intelligence, servi par une mise en scène sobre et envoûtante, le tout interprété par une Stradivarius, c’est tout simplement du grand théâtre.

jusqu'au 23 juillet, 18H, Salle Benoît XII. 

https://festival-avignon.com/fr/edition-2023/programmation/all-of-it-332010

Photographie : Christophe Raynaud de Lage.

 

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