Les fatigués face aux épuisés

Sur le plateau de la cour d’honneur du Palais des Papes, s'étend donc un gymnase qui, lui-même, hébergea un hôpital militaire, du moins si l’on se réfère au démontage, effectué sous nos yeux, le temps que chacun intègre son siège.

Le lieu de soins, devient espace d’assistance car un centre d’accueil social s’improvise en lieu et place. L’on pense à un pays en guerre ou à la récente pandémie, à l’origine de la prolifération des vaccinodromes. Pourtant, les uniformes et pantalons patte d’éléphant, stipulent que l’action prend place dans le New York des années 70.

Et pour cause, Welfare adapte à la scène le film homonyme, réalisé en 1973, par Frederik Wiseman. A la barre de la proposition, Julie Deliquet aime le cinéma et apprécie plus encore les portraits de groupe, comme en attestent Fanny et Alexandre (2019) d’après le film d’Ingmar Bergman puis Un conte de Noël (2020), inspiré du long métrage d’Arnaud Desplechin.

Après la chronique familiale, le metteure en scène se collette, cette fois, à une fresque documentaire. Transposer dans la Cour d’honneur, ces blocs de temps réel, captés dans l’exiguïté d’un bureau ou au sein d’un open-space, à cette première gageure, s’ajoute la transcription d’échanges sur le vif, retravaillés en partitions théâtrales.

 

A l’unisson du film-matrice, Welfare place des êtres, au bout du bout du déclassement, face à des salariés écartelés entre l’empathie et les règlements. A la scène comme à l'écran, des épuisées confient leur détresse à des interlocuteurs aussi attentifs que fatigués.

Même si l’on peut s’interroger sur la présence d’un tel projet sur un plateau si vaste et exposé, sis, par ailleurs, à quelques centaines de mètres du... Gymnase Aubanel, qui lui aurait été mieux approprié, force est de reconnaître que Julie Deliquet retranscrit, dans une immense probité, les requêtes, les plaintes, l'écoute, la patience...  qui constellent le petit théâtre de la désolation, filmé par Wiseman.

Au cinéma povera répond une approche dépourvue d'artifices, si ce n'est une lumière déclinante au fil de la journée. Seuls prévalent les êtres, pourvus de quelques accessoires: sacs, manteaux, véhicules d'existences largement essorées. Il va sans dire que, depuis les seventies,  le quotidien des gens de peu ne s'est guère amélioré. Voilà, sans doute, la raison d'être de cette adaptation, portée par une troupe irréprochable mais qui flotte quelque peu dans des atours trop grands pour soi.

Rencontrée à quelques heures de la première de Welfare, Julie Deliquet développe ses rapports au film de Frederik Wiseman et détaille les diverses étapes et partis-pris dans la transposition.

Welfare : Cour d’honneur du Palais des Papes, 22h, jusqu’au 14 juillet. Relâche le 9 juillet.

Welfare : film de Frederik Wiseman jusqu’au 31 juillet, cinéma Utopia.

Projection-rencontre, en présence du cinéaste et Julie Deliquet, le dimanche 9 juillet, 14H.

Photographies: Pascal Victor

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