Au nom des pères

 

En octobre 2020, afin d’atténuer le traumatisme lié à l’annulation du Festival d’Avignon fauché par le Covid 19, Olivier Py décida d’une Semaine d’art. Ainsi furent proposés quelques spectacles au sommaire de l’édition de juillet. Inclus dans la sélection, Mellizio Doble déroulait une complicité inventive et espiègle entre Nino De Elche, garnement du chant gitan et Israel Galvàn, Fred Astaire du Flamenco.

Cinq ans plus tard, le danseur réitère la formule, cette fois, en compagnie de l’auteur metteur en scène Mohamed El Khatib. Le football et une rupture des ligaments croisés du genoux, blessure désormais courante chez les joueurs abimés par l'accumulation des matchs, amorça une série d’échanges, ébaucha une amitié, à l’origine de cette nouvelle création.

Ainsi les gaillards entrent en scène, à la façon des stars du ballon rond dont ils pastichent les postures et célébrations. Le plateau du Cloître des Carmes devient terrain de jeu où s’enchaînent les vignettes. Paradoxe, la parole prend souvent le pas sur la danse au gré d’une proposition centrée sur les rapports au père.

Après avoir étouffé sa passion sportive, le géniteur d’Israel, puriste du Flamenco, reste encore fort contrarié par les incartades de son rejeton hors des lignes traditionnelles. Ouvrier dans une fonderie en région parisienne, le paternel de Mohamed poussa son fils dans l’ascenseur social. Mais il réprouve que celui-ci se soit détourné des activités concrètes, pour des incertitudes artistiques.

Entre ces témoignages filmés, Israel frappe un peu, sur le bois, le métal, le gravier et Mohamed cause, beaucoup, traduit les propos de son partenaire, envoie quelques vannes pour assurer la complicité de l’audience et délivre, sans avoir pris la peine de la mémoriser, une longue adresse au père.

Nous sommes loin, ici, de la connivence, il est vrai plus naturelle, entre Del Elche (cantor) et Galvàn (danseur). À l’exception du tableau final où le frappeur et le parleur se réunissent enfin dans un pas de deux plutôt cocasse, le duo à l’avenant s’apparente à un collage, une conversation entre deux copains pour lesquels la confidence, la collusion se substituent à l’imaginaire et la recherche artistique

Certes, Israel et Mohamed, le titre sonne fort et emblématique, mais dans ce Cloître des Carmes toujours aussi magique, cette réunion qui truste 12 représentations, relève moins du duo de haut vol, que du cache-misère mal fini, caractéristique du décalage qui se creuse parfois entre les intentions et l’exécution.

Israel et Mohamed : 22H, Cloître des Carmes. Jusqu’au 23 juillet. Relâche le 20 juillet.

Réservations : https://festival-avignon.com/fr/edition-2025/programmation/israel-mohamed-351317

Photographies : Christophe Raynaud de Lage

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