La famille c’est la terre

 

Tamara Al Saadi serait-elle superstitieuse ?

Dans la dernière semaine du Festival d’Avignon 2019, l’auteure-metteure en scène présenta Place, pièce autobiographique où une jeune femme se trouve écartelée entre ses origines irakiennes et son intégration réussie dans la société française.

Le succès des représentations avignonnaises assurèrent à la proposition une fastueuse carrière. Six ans plus tard, la dramaturge revient à nouveau dans les derniers jours du Festival.

Au dédoublement de Place succède TAIRE et son intrigue sur deux niveaux. Ainsi l’on suit l’itinéraire de Ben, adolescente ballottée de foyers en familles d’accueil. Son trajet chaotique alterne avec le destin d’Antigone, fille née des rapports incestueux entre Œdipe, roi de Thèbes et sa mère, la reine Jocaste.

La famille c’est la terre. La réplique résume la nouvelle création qui place en parallèle une mineure non accompagnée et une toute jeune princesse chassée du trône et privée de ses droits au deuil.

L’avenir hypothétique offert aux jeunes générations, la multiplications des conflits et des déplacement de population, habitent le reflet que la pièce tend à son époque.

Dans Place et dans TAIRE, le sable tombe du ciel. L’effet est toujours saisissant mais, cette fois, le sédiment n’arbore plus la même couleur. Car Tamara AL Saadi fraye dans la tragédie. Le dispositif minimaliste cède la place à une imposante scénographie. Un long échafaudage illustre le surplomb des puissants. Deux immenses panneaux de bois symbolisent, tour à tour, les maisons où Ben n’entre jamais et les hauts murs qui s’érigent le long de bien des frontières.

À ce désir de fresque, à cette envie de spectacle, se greffent des initiatives décalées. Ingrédient incontournable du théâtre grec, le chœur devient un ensemble de bruiteurs. Des parenthèses anachroniques payent un tribut (pas forcément nécessaire) à la distanciation brechtienne. Une douzaine d’interprètes participent à une distribution (bien entendu) dégenrée.

On est des encombrants, constate Ben, vers la fin de son odyssée en creux. S’il séduit par son intention première, l’efficacité de l’écriture et la maîtrise de la lumière, TAIRE demeure également encombré par des trouvailles attrape-tout, destinées sans doute à des spectateurs versatiles aux codes traditionnels.

Dommage. Mais à charge de revanche.

TAIRE : 13H, La FabricA. Jusqu’au 23 juillet.  

Réservations : https://festival-avignon.com/fr/edition-2025/programmation/taire-351469

Photographies : Christophe Raynaud de Lage.

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